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Salarié protégé : l’objet du contrôle de l’Inspection du travail en cas de rupture conventionnelle

Lorsqu’une rupture conventionnelle individuelle est conclue avec un salarié protégé, une procédure spécifique s’applique : l’employeur doit obtenir non pas l’homologation de la convention par le Dreets (Directeur de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités), mais une autorisation de rupture auprès de l’inspecteur du travail (article L 1237-15 du Code du travail).

Un arrêt rendu le 13 avril par le Conseil d’État précise utilement le contenu et la portée du contrôle auquel doit se livrer l’inspecteur du travail saisi d’une telle demande.

Demande d’autorisation de rupture conventionnelle

Un salarié titulaire d’un mandat de conseiller prud’homal avait conclu, le 30 octobre 2017, une rupture conventionnelle avec son employeur.

L’inspecteur du travail avait autorisé celle-ci le 27 novembre suivant.

Le salarié a toutefois ultérieurement réclamé l’annulation de cette autorisation devant les juridictions administratives, en faisant valoir qu’eu égard aux circonstances dans lesquelles était intervenue cette rupture son consentement avait été vicié.

C’est dans le cadre de cette demande que le Conseil d’État a été amené à se prononcer le 13 avril dernier.

Comme le font apparaître les faits, la convention avait en effet été signée dans un contexte relativement conflictuel.

En 2015, le salarié avait engagé une action en résiliation judiciaire à l’encontre de son employeur en raison de faits de harcèlement moral et de discrimination syndicale.

En 2020, il a d’ailleurs obtenu de la Cour d’appel de Reims 5 000 € de dommages-intérêts au titre de chacun de ces deux préjudices, les magistrats ayant toutefois prononcé un sursis à statuer sur la demande de résiliation judiciaire dans l’attente de la décision du Conseil d’État.

En outre, en juillet 2017, soit quelques mois avant la signature de la convention de rupture, l’employeur avait engagé une procédure de licenciement pour faute à l’encontre du salarié en raison de déclarations fictives dans le cadre de son mandat prud’homal.

L’autorisation avait toutefois été refusée, au motif que les faits étaient prescrits.

Portée du contrôle de l’inspecteur du travail

Saisi d’un pourvoi, le Conseil d’État, définit en premier lieu le contenu du contrôle que doit opérer l’inspecteur du travail saisi d’une demande d’autorisation de rupture conventionnelle du contrat d’un salarié protégé.

Ainsi, indique la Haute juridiction, « il appartient à l’inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre du travail, saisi d’une demande d’autorisation d’une rupture conventionnelle conclue par un salarié protégé et son employeur, de s’assurer » que :

  • la rupture n’est pas au nombre de celles mentionnées à l’article L. 1237-16 du Code du travail, pour lesquelles la procédure de rupture conventionnelle individuelle est expressément exclue. Sont ici visées les ruptures intervenant dans le cadre d’un accord de gestion des emplois et des parcours professionnels ou de rupture conventionnelle collective, ou encore au titre d’un plan de sauvegarde de l’emploi,
  • la rupture n’a été imposée à aucune des parties,
  • ont été respectées la procédure et les garanties posées par les dispositions du Code du travail à l’égard de tout salarié signant une rupture conventionnelle individuelle (articles L 1237-11 à 13 du Code du travail), ainsi que celles propres aux salariés protégés (articles L 1237-15 et R 2421-7).

À ce titre, ajoute le Conseil d’État, « il leur incombe notamment de vérifier qu’aucune circonstance, en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par le salarié ou à son appartenance syndicale, n’a été de nature à vicier son consentement ».

En d’autres termes, l’inspecteur du travail suivra en premier lieu les mêmes points de contrôle que ceux de la Dreets saisie dans le cadre d’une demande d’homologation (conditions de signature, montant de l’indemnité de rupture, absence de vice du consentement notamment).

Cette solution est d’ailleurs conforme à la position retenue par la Direction générale du travail (DGT) dans son guide relatif aux salariés protégés.

En effet, selon la DGT, l’inspecteur du travail saisi d’une demande d’autorisation de rupture conventionnelle doit « apprécier la liberté du consentement à partir des points de contrôle définis dans la circulaire nº 2008-11 du 22 juillet 2008 en vue de la validité de la demande d’homologation ».

Il résulte en outre de cet arrêt du 13 avril que l’inspecteur du travail devra également spécifiquement contrôler l’absence de lien avec le mandat, en vérifiant qu’aucune circonstance, en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par le salarié ou à son appartenance syndicale, n’a poussé le salarié protégé à signer la convention de rupture.

Si tel est le cas, l’inspecteur du travail devra refuser d’autoriser la rupture.

Absence de refus de principe pour certains motifs

Si l’inspecteur du travail doit ainsi procéder à un contrôle du consentement du salarié protégé, « l’existence de faits de harcèlement moral ou de discrimination syndicale n’est [toutefois] pas de nature, par elle-même, à faire obstacle à ce que l’inspecteur du travail autorise une rupture conventionnelle, sauf à ce que ces faits aient, en l’espèce, vicié le consentement du salarié », précise le Conseil d’État.

Ce faisant, il pose un principe conforme à ce que juge habituellement la Cour de cassation pour les salariés dépourvus de mandats (Cass. Soc. 23 janvier 2019, n 17-21.550 ;  Cass. Soc. 29 janvier 2020,n ° 18-24.296).

Il en va de même si un différend existait entre les parties au moment de la signature de la convention de rupture : celui-ci n’affecte pas nécessairement le consentement du salarié.

Ce principe, appliqué par le Conseil d’État aux salariés protégés dans cet arrêt du 13 avril, est, là encore, en phase avec la solution retenue par la Cour de cassation pour les salariés ordinaires (Cass. Soc. 23 mai 2013, n° 12-13.865 ; Cass. Soc. 8 juillet 2020, n° 19-15.441).

Absence de vice du consentement constaté en l’espèce

Appliquant ces principes aux faits de l’espèce, le Conseil d’État a jugé ici que c’est à bon droit que la cour administrative d’appel a retenu que :

  • la situation de harcèlement moral alléguée par le salarié n’affectait pas, par elle-même, la décision d’autorisation contestée, d’autant que les faits remontaient au plus tard à l’année 2015 alors que la convention avait été signée en octobre 2017,
  • le consentement n’était pas vicié, dans la mesure notamment où le salarié n’avait pas exercé son droit de rétractation après la signature de la convention, dont il avait d’ailleurs été à l’origine. En outre, les différentes procédures engagées antérieurement à la rupture conventionnelle, notamment l’action en résiliation judiciaire et la procédure de licenciement, n’étaient pas de nature à établir que le salarié n’avait pas librement consenti à la rupture.

L’autorisation de rupture délivrée par l’inspecteur du travail était donc parfaitement valable.

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