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PRUD’HOMMES : le plafonnement Macron est-il en danger ?

Plusieurs ordonnances dites « Macron » ont été publiées le 23 septembre 2017.

L’une d’entre elle a introduit, un plafonnement des indemnités dues par les employeurs dans l’hypothèse d’un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse (dans le langage commun, un « licenciement abusif »).

En effet, lorsqu’un employeur licencie un salarié, le licenciement doit reposer sur une cause réelle et sérieuse.

La cause doit exister et doit être suffisamment sérieuse pour justifier d’une perte d’emploi.

Le salarié peut contester un licenciement qu’il estime injustifié.

Le Conseil de Prud’hommes apprécie les motifs de ce licenciement et s’il est illégitime accorde des dommages et intérêts au salarié licencié sans motif réel et sérieux.

Avant le plafonnement, lorsque le salarié bénéficiait d’une ancienneté de 2 ans et travaillait dans une entreprise de plus de 11 salariés, il avait droit à un plancher, un minimum de dommages et intérêts équivalent à 6 mois de salaires bruts.

Le salarié qui bénéficiait d’une faible ancienneté ou/et qui travaillait dans une entreprise de moins de 11 salariés obtenait des dommages et intérêts selon le préjudice subi.

En 2015, le gouvernement a souhaité mettre en place un plafonnement de ces dommages et intérêts c’est-à-dire une montant de dommages et intérêts que les Conseils de Prud’hommes ne pouvaient pas dépasser.

Le Conseil Constitutionnel a invalidé cette disposition de la loi travail.

En 2018, le Conseil Constitutionnel a validé l’ordonnance sur le plafonnement dans sa décision du 21 Mars 2018, n°2018-761.

Désormais, les dommages et intérêts sont plafonnés.

Par exemple, un salarié qui bénéficie d’une ancienneté de 3 ans au sein d’une entreprise de plus de 11 salariés ne pourra pas obtenir plus de 3,5 mois de salaires bruts.

Ce plafonnement qui aurait pour objectif de résorber le chômage a beaucoup été critiqué par les syndicats de salariés mais aussi par quelques employeurs.

Il est régulièrement mis en cause par les avocats de salariés devant les Conseils de Prud’hommes.

En effet, l’argumentaire développé par les syndicats et les avocats de salariés (qui sont la plupart adhérents du Syndicat des Avocats de France qui a mis en ligne un argumentaire type contre le plafonnement) repose sur l’conventionalité de ce plafonnement.

Ce dernier serait contraire à l’article 10 de la Convention de l’OIT n°158 et l’article 24 de la Charte sociale européenne selon lesquels  il devrait être versé au travailleur licencié sans motif valable une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation appropriée, sont directement invocables.

Le Conseil de Prud’hommes du MANS le 26 septembre 2018 a considéré que le plafonnement est applicable et respecterait les dispositions des articles 10 de la Convention OIT n°158 et 24 de la CSE.

La motivation du Conseil de Prud’hommes du Mans est particulièrement succincte et se contente d’affirmer que les dispositions internationales ne seraient pas directement applicables.

Le Conseil de Prud’hommes de TROYES le 13 décembre 2018 (n°18/00036) a refusé d’appliquer ce plafonnement en considérant qu’il était contraire aux textes internationaux.

En effet, en introduisant un plafonnement limitatif des indemnités prud’homales, l’article L. 1235-3 du Code du travail ne permet pas aux juges d’apprécier les situations individuelles des salariés injustement licenciés dans leur globalité et de réparer de manière juste le préjudice qu’ils ont subi.

Les juges ont considéré que ces barèmes ne permettaient pas d’être dissuasifs pour les employeurs qui souhaiteraient licencier sans cause réelle et sérieuse un salarié, qu’ils sécurisaient d’avantage les fautifs que les victimes et qu’ils étaient ainsi inéquitables.

En conséquence, le Conseil de Prud’hommes de Troyes a jugé que ces barèmes violaient la Charte Sociale Européenne et la Convention n°158 de l’OIT et les a écarté pour l’appréciation du préjudice subi par le salarié (CPH Troyes, 13 décembre 2018, n°18/00036).

Dans le cadre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse le salarié subit irrémédiablement un dommage.

Ce dommage est d’ordre psychique, mais également d’un ordre financier constitué par une baisse importante de ses revenus, car l’indemnité accordée dans le cadre de la solidarité et plus précisément par Pôle-Emploi ne vient pas maintenir le revenu au niveau antérieur.

Si légalement le barème se doit d’être appliqué,  il y a lieu de contrôler si ce barème est en adéquation avec les règles de droit applicable en matière de droit du travail.

La Cour de cassation a déjà jugé que la convention 158 de l’OIT était directement applicable dans l’ordre juridique français et que lorsqu’une ordonnance nationale contraire aux dispositions de la convention 158 a été adoptée, il y a nécessité de garantir qu’il a été donné pleinement effet aux dispositions de la Convention.

Les dispositions de la législation nationale ne peuvent être contraires à celle-ci.

En l’espèce, les dispositions de l’article L. 1235-3 du Code du travail accordent au salarié une indemnité à hauteur d’un ½ mois de salaire.

L’article 10 de la Convention 158 de l’OIT permet aux juges nationaux de déterminer si l’indemnisation attribuée par la législation nationale est appropriée en matière de réparation d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette indemnité ne peut être considérée comme étant appropriée et réparatrice du licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce dans le respect de la convention 158 de l’OIT, mais aussi de la législation française et de la jurisprudence applicable en la matière.

En conséquence, il y a lieu de rétablir la mise en place d’une indemnité appropriée réparatrice du licenciement sans cause réelle et sérieuse (CPH Amiens, 19 décembre 2018 n° 18/00040).

L’indemnisation du salarié est évaluée à hauteur de son préjudice.

Aux termes de l’article 24 de la Charte sociale européenne « en vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître […] le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée. »

La relation de travail a cessé du jour au lendemain, sans application des règles relatives au CDI. Aucun fait n’a été reproché à l’intéressé dans le cadre de son travail, la multiplicité des CDD démontrant au contraire la satisfaction de son employeur.

Il en résulte que les manquements de l’employeur dans l’exécution du dernier contrat sont préjudiciables puisque le salarié n’a pas pu bénéficier de l’entretien préalable et du préavis. En conséquence, le CPH accorde trois mois de dommages et intérêts.

Le barème n’est pas cité dans cette espèce, ni l’article L. 1235-3 du Code du travail (CPH Lyon, 21 décembre 2018 n° 18/01238).

Certains auteurs comme le Professeur Julien Icard considère que les juges se rebiffent et que le raisonnement du Conseil de Prud’hommes de TROYES est globalement cohérent et sérieux (Revue Actuel RH du 19 décembre 2018).

D’autres commentateurs qui avaient applaudi le jugement du Conseil de Prud’hommes du MANS sont plus prudents et estiment qu’il convient d’attendre une décision de la Cour de cassation en prétendant que le Conseil de Prud’hommes de TROYES aurait mal apprécié l’applicabilité directe des textes internationaux.

Le gouvernement a réagi quant à lui dans un article publié par Le Monde faisant fi de la séparation des pouvoirs.

Pour le Ministère du Travail, la décision du Conseil de Prud’hommes de TROYES poserait à nouveau la question de la formation des conseillers prud’hommes.

Cette réaction du Ministère a suscité une vive réaction de la part du Conseil de Prud’hommes de TROYES qui a publié un communiqué en réponse.

Ces décisions du Conseil de Prud’hommes de TROYES sont des jugements de première instance qui peuvent être remis en cause par la Cour d’appel si un appel est interjeté et également par la Cour de cassation si un pourvoi est déposé à la suite de l’arrêt de la Cour d’appel.

Quoi que l’on pense de ces jugements, ils annoncent des débats futurs devant les Conseils de Prud’hommes de France. Un Conseil de Prud’hommes a remis en cause ce plafonnement ouvrant le chemin à d’autres jugements.

Bien entendu, il convient d’attendre pour les salariés et les employeurs que la Cour de cassation tranche cette question.

Il convient de se rappeler du jugement du Conseil de Prud’hommes de LONJUMEAU qui a invalidé le contrat nouvelle embauche…

La décision avait été largement critiquée.

Elle fait désormais partie des prémisses de l’enterrement du CNE.

Décision CPH Troyes du 13 décembre 2018

Décision CPH Amiens du 19 décembre 2018

Décision du CPH Lyon du 21 décembre 2018

 

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