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Preuve illicite obtenue par vidéosurveillance : pour être admise en justice, elle doit être indispensable au droit de la preuve

vidéosurveillance

Une preuve illicite peut tout de même être recevable en justice lorsqu’elle est indispensable à l’exercice du droit de la preuve de l’employeur et que l’atteinte à la vie privée du salarié n’est pas disproportionnée au but recherché mais elle est rejetée si l’employeur peut produire un autre mode de preuve licite.

Lorsque l’autocontrôle imposé par le RGPD, la vie privée du salarié et les règles de consultation et de conservation des images sont respectés, que l’autorisation préfectorale éventuelle est obtenue et que l’information préalable des salariés et du CSE est faite, l’employeur peut valablement produire des images issues de son dispositif de vidéosurveillance à l’appui d’une sanction disciplinaire, d’un licenciement ou d’une action pénale.

La question de la recevabilité de cette preuve est plus problématique dans les autres cas parce qu’elle est illicite.

Pour autant, une preuve illicite n’est pas forcément rejetée des débats si elle est indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur et si l’atteinte à la vie privée du salarié n’est pas disproportionnée au but recherché (Cass. Soc. 30 septembre 2020, n° 19-12.058 ; Cass. Soc. 25 novembre 2020, n° 17-19.523 ; Cass. Soc. 10 novembre 2021, n° 20-12.263).

Il convient de noter que selon la Cour de cassation, « l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté une atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ».

L’employeur ne peut produire en justice un moyen de preuve illicite dès lors qu’il peut atteindre un résultat identique par d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié.

C’est ce qu’explicite la Cour de cassation dans un arrêt (publié) rendu le 8 mars 2023.

Dans cette affaire, une salariée est embauchée comme prothésiste ongulaire en octobre 2007.

Après avoir mené un audit en juin et juillet 2013, son employeur la soupçonne de vols.

Des enregistrements issus de la vidéosurveillance mise en place dans le magasin au mépris des règles précitées (absence d’information préalable de la salariée et d’autorisation préfectorale) confirment ses soupçons.

L’employeur la licencie pour faute grave (détournement de fonds et soustractions frauduleuses) en août 2013.

La salariée conteste son licenciement en justice.

Pour sa défense, l’employeur produit les enregistrements de la vidéosurveillance révélant les faits fautifs commis par la salariée mais les juges du fond, écartant cette preuve des débats, condamnent l’employeur à indemniser la salariée pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Pour les juges du fond, l’installation d’une caméra dans le magasin avait été réalisée sans information préalable de la salariée et en l’absence de l’autorisation préfectorale préalable exigée.

Les enregistrements versés aux débats constituaient donc une preuve illicite.

Cette preuve n’était pas non plus indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur, celui-ci disposant d’un audit comme autre moyen de preuve, audit mentionné d’ailleurs dans la lettre de licenciement mais non produit aux débats.

L’employeur se pourvoit en cassation mais la Chambre sociale confirme l’arrêt d’appel.

En présence d’une preuve illicite, le juge doit, rappelle la Cour de cassation :

  • d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier qu’il existait des raisons concrètes justifiant le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci,
  • puis rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens de preuve plus respectueux de la vie personnelle du salarié,
  • et enfin apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi.

Les juges du fond avaient scrupuleusement respecté ces étapes.

Pour eux comme pour la Cour de cassation, la production des enregistrements vidéos litigieux n’était pas indispensable à l’exercice du droit de la preuve.

L’employeur disposait d’un autre moyen de preuve, plus respectueux de la vie personnelle de la salariée : les résultats de l’audit.

Peu importe, à cet égard, que l’employeur ait estimé que la réalité de la faute reprochée à la salariée n’était pas établie par cet audit.

https://www.courdecassation.fr/decision/64085bca66b1bafb02f11fac

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