Dans un arrêt de novembre 2023, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé que la convocation à un entretien préalable à un éventuel licenciement pendant un congé maternité est une mesure préparatoire prohibée.
Le licenciement intervenu par la suite doit alors être considéré comme nul. Cass.soc. 29.11.23 n°22-15.794.
Une convocation pendant le congé maternité
Dans cette affaire, une responsable marketing est en congé maternité, puis en congés payés immédiatement pris à la suite, pendant plusieurs mois jusqu’au 24 janvier 2018.
Le 16 janvier 2018, avant la fin du congé, elle reçoit un courrier de l’employeur la convoquant à un entretien préalable pour un éventuel licenciement pour motif économique.
L’entretien est fixé pour le mois d’avril.
Avant cela, les délégués du personnel avaient été consultés sur ce projet de licenciement.
Après l’entretien, la salariée accepte de signer un contrat de sécurisation professionnelle et voit donc son contrat de travail rompu.
Elle saisit toutefois le juge d’une demande en nullité de son licenciement.
Elle estime que l’employeur ne pouvait pas prendre de mesures préparatoires à un licenciement pendant la période de protection dont elle bénéficiait pour son congé maternité.
La cour d’appel rejette sa demande en estimant que l’employeur n’avait pris aucun acte préparatoire au licenciement.
Un pourvoi est alors formé devant la Cour de cassation.
Rappel : une protection spéciale pour la maternité
L’article L. 1225-4 du Code du travail prévoit une protection spéciale de la salariée contre le licenciement qui couvre toute la grossesse, la durée du congé de maternité et même au-delà du retour du congé de maternité.
La protection est alors « absolue » ou « relative » selon la situation de la salariée :
- Durant la période pré et post congé de maternité, la protection est dite «relative», c’est-à-dire qu’il est possible de licencier la salariée enceinte ou au retour de son congé de maternité seulement dans deux hypothèses : en cas de licenciement pour faute grave non liée à son état de grossesse ou, en cas d’impossibilité de maintenir son contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.
La durée de cette protection relative post congé est de 10 semaines.
- Durant la période du congé de maternité( et des congés payés s’ils sont pris juste après le congé maternité), la protection est dite cette fois-ci « absolue ». Il est strictement interdit de licencier la salariée. Toute prise d’effet ou notification de la rupture, et même la mise en œuvre des mesures préparatoires à une telle décision sont interdites.
La Cour de cassation a déjà jugé par le passé que l’employeur ne pouvait prendre de telles mesures préparatoires au licenciement pendant le congé maternité.
Elle a ainsi considéré que le simple fait d’examiner avec la salariée pendant son congé maternité les modalités du licenciement à venir, entraîne la nullité de ce dernier.
La même solution a été retenue dans le cas où un salarié est embauché pour pourvoir au remplacement d’une salariée en congé maternité, cela révèle que la décision de licencier est prise pendant le congé.
Une mesure préparatoire prohibée
La chambre sociale est alors amenée à se prononcer sur la nullité du licenciement.
Elle fonde sa solution sur l’article L. 1225-4 du Code du travail, en l’interprétant « à la lumière » de l’article 10 de la Directive européenne 92/85 du 19 octobre 1992. Ainsi, elle retient que ce texte interdit à l’employeur, « non seulement de notifier un licenciement, quel qu’en soit le motif, pendant la période de protection visée à ce texte, mais également de prendre des mesures préparatoires à une telle décision. »
Les juges en concluent que « l’employeur ne peut engager la procédure de licenciement pendant la période de protection, notamment en envoyant la lettre de convocation à l’entretien préalable, un tel envoi constituant une mesure préparatoire au licenciement, peu important que l’entretien ait lieu à l’issue de cette période. »
La Cour de cassation considère donc que la procédure de licenciement avait bien été engagée par l’employeur pendant la période de protection de la salariée, ce qui aurait dû conduire la cour d’appel à annuler le licenciement.
Cette solution, tout à fait logique au regard des précédentes décisions de la chambre sociale, apporte une précision bienvenue et illustre le degré de protection dont bénéficie la salariée en congé maternité.
https://www.courdecassation.fr/decision/6566e2ca18106f8318ba9e88