A titre liminaire, la distinction entre salariés détachés et expatriés.
Un salarié, à la demande de son employeur, qui effectue sa mission professionnelle à l’étranger, relèvera soit du droit de détachement ou de l’expatriation, selon les circonstances.
Le salarié détaché doit remplir trois conditions :
– il doit rester salarié de l’entreprise française,
– il doit être muté à l’étranger pour une durée déterminée, et il doit continuer à être rémunéré par l’entreprise française, qui s’engage à verser au régime français l’intégralité des cotisations afférentes au salaire.
La durée maximale du détachement est de 12 mois, renouvelable une fois, si le pays d’accueil fait partie de l’espace économique européen et dans le cas contraire, soit de 3 ans, renouvelable une seule fois, soit 6 ans maximum, lorsque le pays d’accueil n’a pas conclu de convention bilatérale avec la France, ou bien d’une durée fixée par une convention bilatérale conclue, correspondant à une durée entre 6 mois et 5 ans suivant les conventions (Art. L. 761-2 du Code de la sécurité sociale).
Le salarié est expatrié, au regard de la sécurité sociale, lorsqu’il est envoyé à l’étranger et il cesse de relever de la sécurité sociale française, parce que soit la durée maximale autorisée pour le détachement a été dépassée ou soit que les conditions du détachement ne sont pas remplies.
S’il existe un régime de sécurité sociale obligatoire dans le pays d’accueil, il doit y être affilié et y cotiser.
S’il n’en existe pas, il peut recourir à des assurances privées ou adhérer à la caisse des Français à l’étranger et ainsi se couvrir contre les risques maladie, maternité, invalidité, accident du travail, maladie professionnelle et vieillesse.
L’accord du salarié est-il nécessaire lorsqu’il y a une mobilité internationale ?
Un salarié a été recruté en qualité de consultant dans le cadre d’un contrat à durée indéterminée, dans son contrat de travail, au paragraphe intitulée : « lieu d’exécution des fonctions », il était prévu que : « dans le cadre de ses activités, le salarié pourra être amené à assurer des missions à l’extérieur de l’entreprise, que ce soit en France ou hors de France pour une durée plus ou moins longue, ce qu’il accepte expressément », et au §4.5, que « de façon générale, l’employeur et le salarié reconnaissent expressément que la mobilité du salarié dans l’exercice de ses fonctions constitue une condition substantielle du présent contrat sans laquelle ils n’auraient pas contracté ».
Le salarié a refusé de se rendre à une réunion à l’étranger dans le cadre de ses missions, il a été licencié pour faute grave.
La Cour d’appel a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieux, aux motifs que la clause de mobilité devait par principe précisément définir sa zone géographique d’application et ne peut conférer à l’employeur le pouvoir d’en étendre unilatéralement la portée, que cette exigence d’un périmètre de mutation, défini géographiquement dans le contrat de travail conclu entre les parties, est une condition de validité même de la clause de mobilité, que la clause contractuelle dont se prévaut la société était trop imprécise en l’absence d’indication sur la limite géographique dans laquelle la mobilité professionnelle du salarié pouvait intervenir. Selon les Juges du fond, il en résultait une indétermination de la zone géographique d’évolution du salarié emportant la nullité ab initio de ladite clause en application de l’article 1129 du Code civil, que cette clause était donc inopposable au salarié.
Or, la Cour de cassation a cassé l’arrêt des juges du fond en ce que ces derniers se sont fondés sur des motifs inopérants tirés des conditions de validité d’une clause de mobilité, alors qu’il résultait de ses constatations que le déplacement refusé par le salarié s’inscrivait dans le cadre habituel de son activité de consultant international. (arrêt Cass. ch. soc. 11 juill. 2012 n°10-30219).
Autrement dit, l’employeur peut étendre, dans le cadre de son pouvoir de direction, la zone géographique internationale, de l’exercice d’une prestation de travail et l’imposer à son salarié sans clause de mobilité dans son contrat de travail, du seul fait du caractère international des fonctions du salarié. “Sous réserve, qu’il n’y ait ni discrimination, ni modification du contrat de travail portant sur des éléments contractuels autres que le lieu de travail (fonction, rémunération etc.)”.
Le salarié refusant de manière illégitime tout déplacement à l’étranger, rend impossible l’exécution de son contrat de travail. Ainsi, “son comportement s’analyse en un abandon de poste, justifiant une mise à pied conservatoire et un licenciement pour faute grave”.
En somme, dans certaines situations, l’accord du salarié n’est pas nécessaire, et la mobilité internationale s’impose à lui, dès lors que le déplacement à l’étranger, demandé par son employeur, relève de ses fonctions habituelles précisées dans son contrat de travail et qui sont en relation avec l’activité internationale de l’employeur (Cass. soc, 8 mars 2006 n° 04-44836).
L’obligation de l’employeur d’informer le salarié sur le régime de protection sociale.
Dans un arrêt du 25 janvier 2012, la Cour de cassation a clairement jugé que l’employeur, tenu d’une obligation de bonne foi dans l’exécution du contrat de travail, doit informer le salarié expatrié de sa situation au regard de la protection sociale pendant la durée de son expatriation. (Cass. soc. 25 janv. 2012 n°11-11374)
Ainsi, l’employeur doit indiquer si le salarié est un travailleur détaché ou expatrié. S’il est détaché, il continue à bénéficier du régime de sécurité sociale de l’État d’origine, s’il est expatrié, il relève exclusivement du régime de protection sociale de l’État d’accueil.
La destination du salarié, qui peut correspondre soit à un Etat membre de l’espace européen ou un Etat tiers à cette zone géographique, est importante pour déterminer le régime et les textes qui lui sont applicables (règlement européen n° 883/2004, convention bilatérale ou Code de la sécurité sociale).
La loi applicable au contrat de travail effectué à l’étranger.
L’arrêt du 13 octobre 2016, de la Cour de cassation illustre parfaitement une situation de conflit de loi dans les relations de travail à l’étranger, à défaut de choix de la loi applicable par les parties.
La Haute juridiction rappelle les dispositions de l’article 6.2 de la convention de Rome de 1980 et l’arrêt de la CJUE du 12 septembre 2013 :
Dans cette décision, une salariée de l’association des parents d’élèves de l’école française de Delhi (l’association) engagée à New Delhi en qualité de « recrutée locale », a saisi la juridiction prud’homale pour obtenir la condamnation de son employeur à lui payer diverses sommes.
Aux termes de l’article 6, paragraphe 2, de la convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles, à défaut de choix d’une loi exercé par les parties, le contrat de travail est régi par la loi du pays où le travailleur, en exécution du contrat de travail, accomplit habituellement son travail, à moins qu’il ne résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat de travail présente des liens plus étroits avec un autre pays, auquel cas la loi de cet autre pays est applicable.
Dans son arrêt du 12 septembre 2013 (CJUE, Schlecker, aff. C- 64/12), la Cour de justice de l’Union européenne a jugé qu’il appartient à la juridiction de renvoi de procéder à la détermination de la loi applicable au contrat en se référant aux critères de rattachement définis à l’article 6, paragraphe 2, premier membre de phrase, de la convention de Rome, et en particulier au critère du lieu d’accomplissement habituel du travail, visé à ce paragraphe 2, sous a), que, toutefois, en vertu du dernier membre de phrase de ce même paragraphe, lorsqu’un contrat est relié de façon plus étroite à un État autre que celui de l’accomplissement habituel du travail, il convient d’écarter la loi de l’État d’accomplissement du travail et d’appliquer celle de cet autre État.
La juridiction de renvoi doit tenir compte de l’ensemble des éléments qui caractérisent la relation de travail et apprécier celui ou ceux qui, selon elle, sont les plus significatifs, que le juge appelé à statuer sur un cas concret ne saurait cependant automatiquement déduire que la règle énoncée à l’article 6, paragraphe 2, sous a), de la convention de Rome doit être écartée du seul fait que, par leur nombre, les autres circonstances pertinentes, en dehors du lieu de travail effectif, désignent un autre pays.
Pour déclarer la loi française applicable au contrat de travail, la Cour d’appel a retenu que l’objet de l’association est de dispenser une instruction en français, que son mode de fonctionnement lui impose l’homologation de l’établissement par le ministère de l’éducation nationale, que la nomination du chef d’établissement est assurée par l’agence pour l’enseignement français à l’étranger, que de nombreux collègues exercent les mêmes fonctions sous le régime des expatriés.
Selon la Haute juridiction, la Cour d’appel a statué par des motifs inopérants, alors qu’elle avait constaté que la salariée, engagée directement en Inde, accomplissait exclusivement son travail à Delhi, que les contrats de travail étaient rédigés en langue française ou anglaise, qu’ils contenaient des références à la monnaie locale, que les bulletins de paie étaient établis à Delhi en roupie ou en euros et que la salariée ne démontrait pas acquitter ses impôts en France. La Cour de cassation a ainsi cassé l’arrêt de la Cour d’appel (Cass. soc. 13 oct. 2016 n°15-16872)
La loi applicable à la clause de non-concurrence internationale insérée dans le contrat de travail.
La loi applicable à la clause de non-concurrence peut être, soit la loi applicable au contrat de travail, qui a été choisie par les parties ou à défaut de choix par les parties, et conformément aux dispositions de l’article 8 du règlement n° 593/2008 Rome I du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles : “le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail. Le pays dans lequel le travail est habituellement accompli n’est pas réputé changer lorsque le travailleur accomplit son travail de façon temporaire dans un autre pays.3. Si la loi applicable ne peut être déterminée sur la base du paragraphe 2, le contrat est régi par la loi du pays dans lequel est situé l’établissement qui a embauché le travailleur.4. S’il résulte de l’ensemble des circonstances que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays que celui visé au paragraphe 2 ou 3, la loi de cet autre pays s’applique”.
Toutefois et conformément à l’article 3 du règlement Rome I, les parties ont la possibilité de choisir une autre loi applicable, pour la totalité ou une partie de la clause.
Ainsi, dans un arrêt, la Cour de cassation a jugé qu’il résultait de l’article 3 de la Convention de Rome du 19 juin 1980, telle qu’applicable aux faits, que le contrat est régi par la loi choisie par les parties, que ce choix, qui peut être exprès ou résulter de façon certaine des circonstances de la cause, peut porter sur l’ensemble du contrat ou sur une partie seulement et intervenir ou être modifié à tout moment de la vie du contrat. (Cass. soc. 4 déc. 2012 n°11-22166).
Néanmoins, la liberté de choix de la loi par les parties est limitée :
– aux termes de l’article 8.1 du Règlement CE, n° 593/2008, 17 juin 2008, la loi choisie par les parties à un contrat de travail ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection “issue des dispositions impératives de la loi normalement applicable à défaut de choix”,
– de plus, aux termes de l’article 9 du Règlement CE, n° 593/2008, 17 juin 2008, le juge national saisi peut imposer l’application des lois de police qui sont des “dispositions impératives dont le respect est jugé crucial par un pays pour la sauvegarde de leurs intérêts publics, tels que son organisation politique, sociale ou économique, au point d’en exiger l’application à toute situation entrant dans son champ d’application, quelle que soit par ailleurs la loi applicable au contrat d’après le présent règlement”,
– et enfin, aux termes de l’article 21 du Règlement susvisé, le juge national saisi peut écarter une loi choisie par les parties, s’il constate une atteinte à l’ordre public social international de son État.