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La participation des salariés d’une entreprise de vélos en libre-service, délégataire d’un service public, à un mouvement de grève sans avoir respecté l’obligation préalable de préavis est constitutive d’un trouble manifestement illicite

vélos libre service

Le Tribunal de Grande Instance de Paris (TGI) a constaté que les dispositions légales encadrant l’exercice du droit de grève dans les services publics étaient applicables aux salariés de la Société exploitant le dispositif du Vélib’ Métropolitain (TGI Paris, ordonnance de référé, 14 mai 2018, n°18/53707).

En l’espèce, des salariés de la Société exploitant le service Vélib’ Métropolitain s’étaient mis en grève à compter du 17 avril 2018, bloquant les sites permettant notamment la régulation, la maintenance et le nettoyage des vélos.

La Société avait saisi le TGI de Paris pour que soit constaté un trouble manifestement illicite, notamment au motif que les salariés grévistes n’avaient pas respecté les dispositions des articles L. 2512-1 et suivants du Code du travail encadrant l’exercice du droit de grève s’appliquant notamment aux personnels des entreprises privées chargées de la gestion d’un service public.

Il convient de rappeler que ces dispositions s’appliquent quelles que soient les modalités de la dévolution de service public et les modalités de rémunération de l’entreprise (Cass. soc., 9 octobre 2012, n° 11-21,508 ; CE, 4 décembre 2013, n°361669).

Ainsi, lorsque l’activité de l’entreprise entre dans le champ des articles L. 2512-1 et suivants du Code du travail, un préavis de grève doit obligatoirement être notifié à l’employeur cinq jours francs préalablement au déclenchement de la grève, par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives.

Ce préavis doit contenir (art. L. 2512-2 du Code du travail) :

  • Le motif de la grève ;
  • Le lieu de la grève ;
  • La durée de la grève ;
  • Le jour et l’heure de la grève.

Une fois le préavis déposé, les parties ont l’obligation de négocier.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, « la grève déclenchée moins de cinq jours francs avant la réception du préavis est illégale » (Cass. soc., 11 janvier 2007, n° 05-40,663).

Dans les faits d’espèce, la Société faisait valoir que le dispositif Vélib’ Métropole avait été qualifié à plusieurs reprises de service public :

  • Par un rapport d’audit de la Mairie de Paris ;
  • Par les statuts du Syndicat Mixte Autolib’ Vélib’ Métropole ;
  • Par les statuts de la régie autonome Vélib’ ;
  • Par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 11 juillet 2008 (CE, 11 juillet 2008, n° 312354).

La Société soutenait que dès lors que son activité constituait un service public, elle entrait dans le champ d’application des articles L. 2512-1 et suivants du Code du travail.

Le fait qu’aucun préavis de grève n’ait été déposé dans les délais impartis devait donc conduire le TGI à qualifier la grève de mouvement illicite.

De leur côté, les salariés assignés soutenaient que :

  • Leur employeur était titulaire d’un marché public et non d’une délégation de service public – la différence résidant dans le mode de rémunération retenu : pour un marché public, le paiement est intégral et immédiat et effectué par l’acheteur public tandis que pour une délégation de service public, la rémunération est tirée de l’exploitation du service ;
  • Leur précédant employeur, qui exploitait le dispositif Vélib’ à Paris, n’avait jamais exigé que les salariés déposent un préavis lors des différents mouvements de grève.

Le TGI de Paris a fait droit aux demandes de la Société.

Il rappelle d’abord qu’une délégation de service public peut se définir comme un contrat conclu entre une collectivité territoriale et un opérateur économique dont l’objet est de confier à ce dernier l’exploitation commerciale d’un service public, avec transfert au délégataire du risque afférent aux conditions économiques, stratégiques et financières de cette exploitation dans des conditions suffisamment significatives.

Le TGI constate qu’en l’occurrence, ce critère de transfert d’un risque d’exploitation commerciale d’un service public de vélos en libre-service par une collectivité territoriale auprès d’un délégataire est effectivement existant, ce qui exclut donc la qualification de simple marché public et induit la qualification de délégation de puissance publique.

Par ailleurs, le fait que les salariés grévistes n’aient jamais eu à déposer, chez leur précédent employeur, de préavis de grève, est sans incidence du fait du changement d’employeur.

Pour le TGI, il apparaît donc suffisamment manifeste que l’activité Vélib’ Métropole constitue une activité relevant d’une mission de service public et qu’il existe ainsi un trouble manifestement illicite du fait que les dispositions légales encadrant l’exercice du droit de grève dans les services publics, comprenant notamment l’obligation du préavis de grève, n’aient pas été préalablement mises en œuvre par les initiateurs de la grève.

Cette décision est applicable à tous les opérateurs économiques privés exerçant une délégation de service public : la grève mise en œuvre sans que les dispositions de l’article L. 2512-2 du Code du travail n’aient été respectées constitue un trouble manifestement illicite devant être cessé.

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