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INDEMNISATION DU « PRÉJUDICE ECONOMIQUE » EN CAS DE RUPTURE ILLICITE D’UN CDD

Le juge peut retenir que la rupture illicite des contrats à durée déterminée empêche la réalisation de deux des albums faisant l’objet des contrats, que les salariés justifient d’un préjudice direct et certain résultant de la perte d’une chance de percevoir les gains liés à la vente et à l’exploitation de ces œuvres, préjudice qui constitue une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention (Cass. soc., 3 juillet 2019, n° 18-12306).

Telle est la solution dégagée par la Cour de cassation dans son arrêt du 3 juillet 2019, rejetant ainsi le pourvoi formé par une société de production musicale à l’encontre de l’arrêt rendu le 6 février 2018 par la Cour d’appel de Paris.

Au cas d’espèce, les quatre artistes composant un célèbre groupe de musique français avaient conclu, en qualité de salariés, un contrat d’exclusivité (contrat à durée déterminée d’usage) le 17 novembre 2011 avec une société de production musicale « pour l’enregistrement en studio de phonogrammes permettant la réalisation de trois albums fermes dont seul le premier a été réalisé ».

Le 11 mai 2015, la société de production musicale leur a notifié la résiliation anticipée du contrat.

Les membres du groupe ont saisi la juridiction prud’homale afin d’en contester la rupture et réclamer les sommes afférentes.

Par jugement du 15 mars 2016, le Conseil de prud’hommes de Paris a notamment condamné la société de production musicale à payer à chacun des artistes les sommes de 1.680 euros au titre des salaires, 24.000 euros au titre des avances sur redevances contractuelles et 26.000 euros au titre des redevances contractuelles.

La Cour d’appel de Paris, par quatre arrêts du 6 février 2018, a augmenté les condamnations mises à la charge de la société de production musicale, fixant notamment « le préjudice économique, tous postes de préjudice confondus, à la somme de 280.000 euros (avances sur redevances déduites) » et allouant également « la somme de 30.000 euros en réparation de son préjudice moral » (Paris, 6, 11, 06 février 2018, n°16/05955).

il convient de relever en outre que si la société de production musicale soutenait que le groupe avait très rapidement conclu un nouveau contrat d’exclusivité, la Cour d’appel avait retenu que « les conditions du contrat d’exclusivité conclu avec la société Y sont moins avantageuses puisqu’il ne prévoit qu’un album ferme au lieu de trois, trois des enregistrements étant optionnels et à la discrétion du producteur, et que les redevances et avances entre autres sont moins élevées, de sorte que les conditions n’étant pas les mêmes, l’existence d’un préjudice économique résultant de la rupture unilatérale du contrat n’est pas contestable ».

Sur pourvoi formé par la société de production musicale, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la possibilité pour les juges du fond d’allouer des dommages et intérêts en réparation du « préjudice économique » subi par un salarié dont le contrat de travail à durée déterminée a été résilié de manière irrégulière avant son terme.

Aux termes de son arrêt du 3 juillet 2019, la Chambre sociale rejette le pourvoi dans les termes suivants :

« Mais attendu que selon le premier alinéa de l’article L. 1243-4 du code du travail, la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui intervient à l’initiative de l’employeur, en dehors des cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail, ouvre droit pour le salarié à des dommages-intérêts d’un montant au moins égal aux rémunérations qu’il aurait perçues jusqu’au terme du contrat, sans préjudice de l’indemnité de fin de contrat prévue à l’article L. 1243-8 du même code ; que ce texte fixe seulement le minimum des dommages-intérêts que doit percevoir le salarié dont le contrat à durée déterminée a été rompu de façon illicite ;

Et attendu qu’ayant relevé que la rupture illicite des contrats à durée déterminée avait empêché la réalisation de deux des albums faisant l’objet des contrats, la cour d’appel a pu retenir que les salariés justifiaient d’un préjudice direct et certain résultant de la perte d’une chance de percevoir les gains liés à la vente et à l’exploitation de ces œuvres, préjudice qui constitue une suite immédiate et directe de l’inexécution de la convention ; que c’est dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appréciation qu’elle a, sans procéder à une évaluation forfaitaire, fixé le montant du préjudice soumis à réparation ».

Cass. soc., 3 juillet 2019, n° 18-12.306

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