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Harcèlement moral : l’attitude de la victime ne peut pas justifier une minoration de son indemnisation

 

Pour la chambre sociale de la Cour de cassation en date du 13 juin 2019 n°18-11-115, le montant de la réparation due à la victime d’agissements de harcèlement moral commis par l’employeur ne peut être diminué, au motif que celle-ci aurait contribué, par son propre comportement, à la dégradation de ses conditions de travail. 

  • L’obligation de sécurité de l’employeur : le cas du harcèlement moral

Pour les tribunaux, l’obligation de sécurité est une obligation à caractère général incombant à l’employeur en raison de son pouvoir de direction.

Il appartient également à chaque salarié de prendre soin, en fonction et selon ses possibilités, de sa sécurité et de sa santé, mais aussi de celles des autres personnes concernées du fait de ses actes ou de ses omissions au travail.

Cependant, l’obligation de sécurité pesant sur le salarié n’apporte aucune modification au principe de la responsabilité de l’employeur (L.4122-1 Code du travail).

Ce principe a été rappelé dans un arrêt en date 10 février 2016 qui dispose que « les obligations des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail n’affectent pas le principe de l’employeur », (Cass. Soc. 10 février 2016 n°14-24.350).

Ainsi, en ce qui concerne la préservation de la santé mentale de ses salariés, l’article L4121-1 du Code du travail précise que l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

La chambre sociale de la Cour de cassation a précisé à ce titre que l’obligation de sécurité en matière de santé mentale à laquelle l’employeur est tenu inclut la prévention du harcèlement moral.

Ainsi, si des agissements de harcèlement surviennent dans l’entreprise, à moins de pouvoir démontrer avoir pris des mesures de prévention, l’employeur sera considéré comme ayant manqué à son obligation de sécurité.

Il doit avoir immédiatement après avoir été informé de l’existence de faits susceptibles de constituer un harcèlement moral, pris des mesures propres à le faire cesser, (Cass. Soc. 1er juin 2016 n°14-19.702). 

  • Le devoir de prudence du salarié

Aux termes de l’article L4122-1 du Code du travail, il appartient à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.

Si, au premier regard, il apparait comme le corollaire de l’obligation de sécurité incombant à l’employeur, l’alinéa 3 du même article précise cependant que le devoir de prudence des salariés est « sans incidence sur le principe de la responsabilité de l’employeur ».

Les obligations des salariés restent liées au respect par l’employeur de ses propres obligations et à l’exercice de son pouvoir de direction.

Ainsi, les obligations du salarié n’ont pas pour effet de modifier le régime de la responsabilité juridique de l’employeur en l’atténuant par exemple.

En l’espèce, la chambre sociale de la Cour de cassation est formelle : le devoir de prudence ne peut pas atténuer la responsabilité de l’employeur et à partir du moment où des faits de harcèlement moral sont avérés, le comportement de la victime est indifférent.

En d’autres termes, à partir du moment où les manquements de l’employeur à son obligation de sécurité sont établis, il n’y a pas lieu de prendre en compte le comportement de la salariée.

Elle retient ainsi une application stricte de l’article L4122-1 du Code du travail, et ce dans la continuation de sa jurisprudence antérieure, (Cass. Soc.  10 févr. 2016, no 14-24.350).

En l’espèce, un employeur avait eu, à l’égard d’une salariée représentante du personnel, un comportement que les juges du fond avaient considéré comme constituant une situation de harcèlement moral.

En revanche, la Cour d’appel avait décidé de réduire les dommages et intérêts octroyés à la salariée en estimant qu’il y avait un partage de responsabilité entre elle et son employeur sur la dégradation des conditions de travail, de telle sorte que le comportement également fautif de la salariée était de nature à justifier une minoration de son indemnisation.

La Cour de cassation avait réfuté clairement cette analyse et décidé qu’il « résulte de l’article L4122-1 du Code du travail que l’obligation des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé morale au travail n’affectent pas le principe de responsabilité de l’employeur ».

Cass. Soc. 13 juin 2019, n° 18-11.115

 

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