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Loi El Khomri – Rôle des branches / Négociation collective

LOI EL KHOMRI 

ROLE DES BRANCHES / NEGOCIATION COLLECTIVE

La loi 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue et à la sécurisation des parcours professionnels, dite « loi travail », a réformé en profondeur un certain nombre de règles et, notamment, les règles de la négociation collective. L’un des principaux apports de la loi travail est la refonte du droit des conventions et accords collectifs et notamment les niveaux auxquels il est possible de négocier, ainsi que les règles d’articulation entre ces différents niveaux de négociation. En effet, les conventions et accords collectifs de travail peuvent être négociés et conclus à différents niveaux, à savoir l’entreprise, l’établissement, le groupe, et la branche. C’est dans ce cadre, et pour éviter tout conflit de norme, que la loi travail a désormais prévu des règles d’articulation extrêmement strictes entre les accords de différents niveaux.

  1. Sur la place des accords de branche

a/. Domaine réservé à la négociation de branche

En application de la loi travail, certains thèmes de négociation continuent d’échapper à l’accord d’entreprise ou d’établissement pour relever exclusivement de l’accord de branche étendu.

Tel est le cas, par exemple :

  • de la définition des secteurs d’activité dans lesquels peuvent être conclus des CDD d’usage (article L 1242-2 du Code du travail),
  • ou encore de la fixation du nombre minimal d’heures entraînant la qualification du travailleur de nuit sur une période de référence (article L 3122-16 du Code du travail).

En outre, l’accord d’entreprise ne peut pas déroger, dans un sens défavorable aux salariés, à un accord de branche dans les matières relevant du « socle minimal de garantie », à savoir :

  • Salaires minimas,
  • Classifications,
  • Protection sociale complémentaire,
  • Mutualisation des fonds de la formation professionnelle,
  • Prévention de la pénibilité,
  • Egalité professionnelle.

Désormais, le nombre de domaines dans lesquels une convention ou un accord d’entreprise ou d’établissement ne peut pas être moins favorable qu’une convention de branche est porté à 6 (contre 4 antérieurement). Enfin, il convient de noter que la branche a pour mission de définir « l’ordre public conventionnel », c’est-à-dire les thèmes sur lesquels les conventions et accords d’entreprise ne pourront pas être moins favorables que les conventions et accords conclus au niveau de la branche. La branche peut ainsi choisir les sujets sur lesquels l’accord d’entreprise ne pourra pas être moins favorable que l’accord de branche. Pour ce faire, l’engagement des négociations doit intervenir dans chaque branche d’ici fin 2018. 

b/. Champ d’application de la négociation d’entreprise

En dehors des thèmes relevant exclusivement de l’accord de branche étendu, des accords d’entreprise ou d’établissement peuvent être conclus pour adapter les stipulations d’un accord de branche, par rapport aux conditions particulières de l’entreprise ou de ses établissements. L’accord d’entreprise peut, dans ce cadre, comporter des stipulations nouvelles et des stipulations plus favorables aux salariés (article L 2253-1 du Code du travail).

En outre, il est possible de conclure un accord d’entreprise comportant des dispositions dérogeant à la convention ou à l’accord de branche dans un sens défavorable aux salariés, cette dérogation ne pouvant intervenir qu’en dehors :

  • des thèmes relevant exclusivement de l’accord de branche étendu ;
  • et des 6 domaines pour lesquels les conventions et accords d’entreprise ne peuvent pas être moins favorables que les conventions et accords conclus au niveau de la branche.

En outre, cette négociation n’est possible que si la convention de branche ne l’interdit pas et a été conclue à compter du 7 mai 2004, date d’entrée en vigueur de la loi du 4 mai 2004. Dans l’hypothèse où elle aurait été conclue avant cette date, ses signataires doivent avoir autorisé la dérogation. Néanmoins, ces deux limites ne sont pas applicables dans les matières où la loi donne priorité à l’accord d’entreprise par rapport à la convention ou à l’accord de branche (durée du travail, congés payés, etc…). Dans ces hypothèses, l’accord de branche devient, par principe, supplétif, c’est-à-dire qu’il ne s’applique qu’à défaut d’accord d’entreprise ou d’établissement, peu important que les stipulations de l’accord de branche interdise toute dérogation dans un sens défavorable aux salariés ou qu’elles aient été conclues avant le 7 mai 2004.

En résumé, d’ici le 30 décembre 2018, chaque branche devra déterminer l’ordre public conventionnel applicable et choisir les sujets sur lesquels l’accord d’entreprise ne pourra pas être moins favorable et ce, en dehors du « socle minimal de garantie » pour lequel, quoi qu’il en soit, l’accord d’entreprise ne pourra pas déroger. Cette règle est à prendre en compte en considération de l’autre règle, selon laquelle la loi donne également priorité à l’accord d’entreprise pour certains sujets (durée du travail, congés payés, congés spécifiques). En considération de ces éléments et en dehors du socle minimal de garantie et d’une négociation de branche spécifique, l’accord d’entreprise ou d’établissement doit désormais primer. Cette nouvelle articulation entre accords collectifs de différents niveaux est applicable à compter du 10 août 2016, lendemain de la publication de la loi travail au Journal Officiel.

  1. Sur la possibilité de fusionner des branches

a/ Sur le principe de fusion des branches

L’article 25 de la loi 2016-1088 du 8 août 2016 prévoit plusieurs mesures permettant de fusionner les branches. En effet, la loi habilite le Ministre chargé du travail à fusionner le champ conventionnel de certaines branches avec celui d’une « branche de rattachement » présentant des conditions sociales et économiques analogues.

Il en est ainsi dans les branches :

  • caractérisées par la faiblesse de leur effectif ou le faible dynamisme de la négociation collective,
  • ou dont le champ géographique est uniquement régional ou local,
  • ou encore dans les branches où moins de 5 % des entreprises adhèrent à une organisation professionnelle représentative des employeurs,
  • ou en l’absence de mise en place ou de réunion de la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation.

Cette procédure peut également être engagée pour renforcer la cohérence du champ d’application des conventions collectives.

Pendant les trois ans suivant la promulgation de la loi, le Ministre chargé du travail ne peut toutefois pas, en principe, procéder à une telle fusion en cas d’opposition écrite et motivée de la majorité des membres de la commission nationale de la négociation collective. Par exception, il le peut lorsque la fusion concerne une branche dont le champ d’application géographique est uniquement régional ou local ou une branche n’ayant pas conclu d’accord ou d’avenant lors des 15 années précédant la promulgation de la loi. D’ailleurs, pour ces dernières, il convient de noter que celles-ci doivent avoir procédé à un rapprochement avant le 31 décembre 2016. A défaut, le Ministre du travail engage leur fusion. De même, les branches n’ayant pas négocié pendant les 7 années précédant la promulgation de la loi doivent avoir procédé à un rapprochement dans les trois ans. A défaut, le Ministre du travail engage leur fusion.

b/. Procédure à respecter

Avant de procéder à la fusion, le Ministre chargé du travail doit suivre une procédure spécifique :

  • Il doit ainsi, tout d’abord, par avis publié au Journal Officiel, inviter les organisations et personnes intéressées à faire connaître leurs observations sur ce projet de fusion. Pour ce faire, les organisations et personnes intéressées disposent d’un délai de 15 jours (décret 2016-1399 du 19 octobre 2016).
  • Il doit ensuite recueillir l’avis motivé de la commission nationale de la négociation collective.
  • Lorsque deux organisations patronales ou deux organisations syndicales de salariés représentées à cette commission proposent une autre branche de rattachement par demande écrite et motivée (laquelle doit être adressée dans un délai de 15 jours courant à compter de la date de la première consultation de la sous-commission de la restructuration des branches – décret 2016-1399 du 19 octobre 2016), le Ministre consulte à nouveau la commission dans un délai d’un mois à compter de la date de la première consultation.
  • Une fois le nouvel avis rendu par la commission, le Ministre peut prononcer la fusion (article L 2261-32 du Code du travail).

c/. Conséquences de la fusion

En cas de fusion ou de conclusion d’un accord collectif regroupant le champ de plusieurs conventions existantes, les partenaires sociaux disposent d’un délai de 5 ans pour harmoniser leurs stipulations conventionnelles. Pendant ce délai, la branche issue du regroupement ou de la fusion peut maintenir plusieurs conventions collectives. A l’issue de ce délai, les stipulations de la convention collective de rattachement s’appliquent automatiquement à défaut d’accord (article L 2261-33 du Code du travail).

  1. Sur les incidences de la diminution du rôle des commissions paritaires de branche

Pour rappel, la loi Rebsamen imposait, pour un accord négocié avec un représentant élu non mandaté, que ledit accord soit approuvé par la commission paritaire de branche. Cette commission paritaire devait contrôler que le texte conventionnel n’enfreignait pas les dispositions législatives, réglementaires ou conventionnelles en place. Il s’agissait là d’un préalable obligatoire. Désormais, depuis la loi travail du 8 août 2016, la validité des accords conclus avec des élus titulaires non mandatés est subordonnée à leur signature par des membres titulaires élus au comité d’entreprise ou à la délégation unique du personnel ou, à défaut, par des délégués du personnel titulaires représentant la majorité des suffrages exprimés lors des dernières élections professionnelles et ce, sans devoir être expressément approuvés par la commission paritaire de branche. En revanche, si la condition liée à la majorité des suffrages exprimés par les signataires n’est pas remplie, l’accord est réputé non écrit. Ainsi, la loi travail, dans son article 18, a supprimé la condition relative à l’approbation par la commission paritaire de branche. Désormais, les accords conclus avec des élus non mandatés sont transmis seulement pour information à la commission paritaire de branche, étant précisé que l’accomplissement de cette formalité n’est pas un préalable au dépôt et à l’entrée en vigueur des accords (article L 2232-22 du Code du travail).

Ce faisant, les commissions en place gardent toujours leur utilité, puisque les accords doivent leur être transmis pour information. Néanmoins, elles n’ont plus de pouvoir d’approbation à proprement parler desdits accords. Cette mesure s’applique à compter du lendemain de la publication de la loi au Journal officiel. Elle concerne donc les accords conclus à partir de cette date.

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