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Le conseil constitutionnel censure les dispositions relatives à la confidentialité des avis des juristes en entreprise

représentant du personnel qui se fait licencier conseiller

Après presque trois décennies de discussions, les conclusions de la Commission Mixte Paritaire ont posé le principe du “legal privilege à la française”  au paragraphe 4 de l’article 49 du Projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027.

Après l’article 58 de la loi n° 71‑1130 du 31 décembre 1971, il est inséré un article 58‑1 ainsi rédigé : « Les consultations juridiques rédigées par un juriste d’entreprise, ou, à sa demande et sous son contrôle, par un membre de son équipe placé sous son autorité, au profit de son employeur sont confidentielles. »

Comme annoncée par le ministre de la Justice, Éric Dupond-Moretti, cette disposition, qui s’ajoutera à la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971, a été révisée pour une meilleure définition de ses contours.

Les principales informations à retenir

À l’issue de la commission mixte paritaire du 10 octobre 2023, le principe est clair : la confidentialité des avis des juristes d’entreprise est enfin admise.

Pour bénéficier de cette confidentialité, des conditions strictes doivent être remplies:

  • DIPLOME : posséder un master en droit ou un diplôme équivalent français ou étranger,
  • DÉONTOLOGIE : suivre une formation en déontologie,
  • AUTORITÉ : « juriste d’entreprise, ou, à sa demande et sous son contrôle, par un membre de son équipe placé sous son autorité ».

Les matières pénales et fiscales sont exclues.

C’est uniquement dans le cadre de procédures ou litiges en matière civile, commerciale ou administrative que les documents concernés ne peuvent être saisis.

Apposer frauduleusement la mention : « confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise » sur un document ne remplissant pas les conditions requises sera passible de 45.000€ d’amende ainsi que trois ans d’emprisonnement.

Les destinataires de ces consultations sont également définis de manière exclusive.

Toutefois, cette confidentialité peut être levée dans certaines circonstances, avec des procédures précises.

Le IV du paragraphe 4 précise que : Le président de la juridiction qui a ordonné une mesure d’instruction dans le cadre d’un litige civil ou commercial peut être saisi en référé par voie d’assignation, dans un délai de quinze jours à compter de la mise en œuvre de ladite mesure, aux fins de contestation de la confidentialité alléguée de certains documents.

La décision du Conseil constitutionnel

Seulement, conformément au second alinéa de l’article 61 de la Constitution, le projet de loi d’orientation et de programmation du Ministère de la Justice 2023-2027 a fait l’objet d’une saisine du conseil constitutionnel par 60 députés notamment sur le paragraphe 4 de l’article 49 qui introduit la confidentialité des avis des juristes.

Ils fondent leur argument comme suit :

« L’article étend la confidentialité des consultations aux juristes d’entreprises ainsi qu’aux membres de leurs équipes placées sous leur autorité. Ces mesures, en ne garantissant pas aux autorités de régulations les moyens effectifs d’exercer leur mission, sont contraires au respect de l’ordre public économique. L’ordre public économique se définit comme l’ordre garantissant le fonctionnement concurrentiel des marchés (décision n° 2011-126 QPC du 13 mai 2011; Cons. const. & décision n° 2012-280 QPC, 12 octobre 2012 cons. 11.), à travers la prohibition des pratiques anticoncurrentielles ainsi qu’au contrôle des concentrations. Cet ordre implique un pouvoir de police, garant de son effectivité, qui est notamment garanti par des autorités de régulations (décision n° 2014-453/454 QPC et n° 2015-462 QPC) chargées de protéger l’ensemble des acteurs économiques. »

Par sa décision n° 2023-855 DC du 16 novembre 2023, le Conseil constitutionnel tranche la question :

Sur le paragraphe IV de l’article 49 :
  1. Le paragraphe IV de l’article 49 insère dans la loi du 31 décembre 1971 mentionnée ci-dessus un article 58-1 visant à prévoir les conditions dans lesquelles est assurée la confidentialité des consultations juridiques réalisées par un juriste d’entreprise.
  2. Les députés requérants soutiennent que ces dispositions limiteraient excessivement les pouvoirs de contrôle des autorités de régulation et feraient ainsi obstacle à leur mission, en méconnaissance des objectifs de sauvegarde de l’ordre public économique et de recherche des auteurs d’infractions. […]
  3. Introduit en première lecture, le paragraphe IV de l’article 49 ne présente pas de lien, même indirect, avec les dispositions de l’article 19 du projet de loi initial, relatif au diplôme requis pour accéder à la profession d’avocat. Il ne présente pas non plus de lien, même indirect, avec aucune autre des dispositions qui figuraient dans le projet de loi déposé sur le bureau du Sénat.
  4. Dès lors, sans qu’il soit besoin de se prononcer sur les autres griefs et sans que le Conseil constitutionnel ne préjuge de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles, il y a lieu de constater que, adopté selon une procédure contraire à la Constitution, le paragraphe IV de l’article 49 lui est donc contraire.

[…]

LE CONSEIL CONSTITUTIONNEL DÉCIDE :

Article 1er. – Sont contraires à la Constitution les dispositions suivantes de la loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027 : […] le paragraphe IV de l’article 49. […]

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