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Débauchage des salariés d’un concurrent constitutif de concurrence déloyale

En l’espace de quelques semaines, treize salariés sur les vingt-cinq du service « catalyseur » d’une société spécialisée dans la maintenance industrielle, dont le chef d’équipe et son adjoint, démissionnent et sont embauchés aux mêmes fonctions par une société concurrente.

Il a été déduit des constatations suivantes que cette dernière avait commis des actes de concurrence déloyale envers la première société et elle a été condamnée à lui verser une provision de 500 000 €.

Les départs, qui concernaient la partie la plus qualifiée du personnel et qui ne pouvaient pas s’expliquer par des motifs tenant à de mauvaises conditions de travail, avaient entraîné la désorganisation du service de la société victime : ils avaient eu des répercussions sur l’organisation des chantiers et sur les procédures d’appel d’offres ayant entraîné une perte d’activité et de chiffre d’affaires.

La société poursuivie avait incité les salariés à quitter l’entreprise, par l’intermédiaire de l’adjoint du chef d’équipe, qui avait sélectionné ses collègues les plus compétents et proposé leurs noms, elle avait planifié des entretiens d’embauche dès avant l’envoi des candidatures et elle leur avait transmis des documents afin de faciliter les formalités de démission.

Elle avait donc bien eu un rôle actif dans le débauchage litigieux, afin de s’approprier l’essentiel du savoir-faire et de la clientèle de sa concurrente au titre de l’activité « catalyseur », et désorganisé le service concerné, dont il importe peu que les effectifs aient été reconstitués en une année.

Il convient de noter que l’embauchage de salariés libres de tout engagement de non-concurrence d’une entreprise concurrente est fautif s’il s’accompagne de manœuvres déloyales et entraîne la désorganisation de cette entreprise (Cass. com. 9-3-1999 n° 97-12.009 : RJDA 5/99 n° 620 ; Cass. com. 16-12-2008 n° 07-19.848 : RJDA 4/09 n° 395 ; Cass. com. 8-7-2020 n° 18-17.169 F-D : RJDA 12/20 n° 670).

Le seul fait que les salariés débauchés occupaient un poste stratégique ne suffit pas à démontrer que leur départ désorganise l’entreprise de leur ancien employeur : il faut préciser concrètement en quoi leur départ entraîne une telle désorganisation (Cass. com. 20-9-2016 n° 15-13.263 F-D : RJDA 12/16 n° 845).

Le nombre de salariés concernés n’est pas non plus un critère à lui seul déterminant ; ainsi, le débauchage d’un seul salarié peut suffire à désorganiser une entreprise (CA Versailles 25-6-2009 n° 08-3959 : RJDA 1/10 n° 94).

En outre, le recrutement n’est pas fautif lorsque l’ancien employeur est à l’origine du départ des salariés et donc indirectement de la désorganisation de son entreprise.

Ainsi, le recrutement massif des salariés d’une entreprise n’a pas été sanctionné, leur démission étant liée aux difficultés de celle-ci et à leurs inquiétudes en termes d’emploi (Cass. com. 22-5-2007 no 06-13.421 : RJDA 10/07 no 1028).

Dans l’affaire commentée, au contraire, le départ des salariés ne s’expliquait pas par leurs mauvaises conditions de travail mais il avait bien été provoqué par le concurrent.

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