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LE BOSS : quelles conséquences en tirer ?

Le BOSS : une base documentaire unifiée nécessaire

Le bulletin officiel de la sécurité sociale (BOSS) a officiellement été mis en ligne le 8 mars 2021 (https ://boss.gouv.fr) et, pour cette occasion, un webinar de présentation a été réalisé par la direction de la sécurité sociale et l’Urssaf caisse nationale (anciennement l’Acoss).

Le BOSS a vocation, à terme, à constituer la base documentaire numérique unique et opposable sur l’ensemble des aspects afférents aux charges sociales, ce qui permettra sans doute l’accessibilité à la doctrine de l’administration en la matière.

Cela étant, il est essentiel de ne pas perdre de vue qu’il s’agit uniquement de la doctrine de l’administration et non de textes légaux et réglementaires.

Cet outil devra donc être appréhendé de manière prudentielle par le cotisant et ne supprimera pas le rôle du juge en qualité d’arbitre de son utilisation.

Le BOSS : une base documentaire unifiée nécessaire

Objectifs du BOSS

Le principe de la mise en ligne d’un document unique en matière de charges sociales a été acté par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 (L. n° 2017-1836, 30 déc. 2017, art. 9), laquelle avait inséré un alinéa à l’article L. 243-6-2 du Code de la sécurité sociale précisant que : « à compter du 1er janvier 2019, un site internet présente l’ensemble des instructions et circulaires relatives à la législation applicable en matièred’allégements et de réductions de cotisations et contributions sociales mises à disposition des cotisants ».

La volonté des pouvoirs publics était de se doter d’un outil comparable à celui du Bulletin officiel des finances publiques qui constitue la base documentaire numérique unique en matière de doctrine fiscale depuis septembre 2012.

Même si c’est avec retard sur le calendrier, le BOSS a été officiellement lancé par le réseau Urssaf et la Direction de la sécurité sociale (DSS).

Les objectifs affichés par l’administration sont au nombre de trois :

  • Permettre un accès plus facile au droit : la doctrine de l’administration en matière de charges sociales était particulièrement disparate et difficile à trouver et ce, en dépit du site www.circulaire.gouv dont l’utilisation n’était pas toujours aisée,
  • promouvoir une sécurité juridique plus importante : la publication de l’intégralité de la doctrine sur un site dédié doit faciliter l’accès à l’interprétation faite par l’administration des textes législatifs et réglementaires en matière de cotisations de sécurité sociale,
  • faciliter une meilleure diffusion et mise à jour de la doctrine administrative : alors que jusqu’alors, l’actualisation de la position de l’administration n’intervenait que ponctuellement en cas d’évolution légale, réglementaire ou encore jurisprudentielle majeure.

Une actualisation de la documentation administrative va permettre de s’adapter beaucoup plus rapidement aux évolutions de la réglementation liées à la jurisprudence ou évolutions sociétales.

Au-delà de ces trois grands objectifs, la DSS a indiqué qu’elle souhaitait également que le BOSS soit un outil de dialogue avec le cotisant. A ce titre, il a été précisé lors de la conférence de présentation que :

  • les utilisateurs pourront remonter des questions sur le contenu du BOSS,
  • des consultations publiques pourront être opérées via cet outil,
  • des projets d’instruction pourront être diffusés avant publication pour recueillir l’avis des cotisants.

Mais, à ce jour, aucune boite de dialogue n’existe sur le site du BOSS et il est simplement préciser qu’en cas de question concernant l’assiette des cotisations, le cotisant est invité à contacter son Urssaf.

Contenu du BOSS

Le BOSS doit, à terme, rassembler l’intégralité de la doctrine et les commentaires de l’administration en matière de règlementation portant sur les cotisations et contributions sociales.

A la date de mise en ligne du BOSS, cinq fiches thématiques sont présentées :

  • la fiche « assiette générale » : cette fiche recoupe les problématiques concernant l’affiliation à un régime de sécurité sociale, le fait générateur des cotisations et contributions de sécurité sociale, la détermination du plafond de la sécurité sociale applicable,
  • la fiche « allégement généraux » qui traite notamment de la réduction générale de cotisations de sécurité sociale (réductions « Fillon »),
  • la fiche « exonérations zonées » relatif aux dispositions d’exonérations liées à l’implantation dans des zones géographies déterminées (zone de revitalisation rurale, outre-mer..),
  • la fiche « avantages en nature et frais professionnels » : cette fiche reprend, en l’actualisant, l’intégralité de la doctrine existante en matière de frais professionnels et d’avantages en nature,
  • la fiche « indemnités de rupture du contrat de travail » : ce dossier commente le régime social applicable en matière d’indemnités de rupture du contrat de travail.

Chacun de ces dossiers comporte des chapitres et des sections complétés par des exemples concrets facilitant la compréhension de certains points.

Il est en outre possible d’effectuer des recherches dans le BOSS via l’utilisation de mots-clefs.

La DSS a annoncé que d’autres fiches seront prochainement publiées concernant notamment :

  • la notion d’effectif : depuis l’entrée en vigueur du dispositif généralisé d’assujettissement progressif en matière de charges sociales instauré par la loi Pacte (L. n° 2019-486, 22 mai 2019) aucune doctrine de l’administration n’est venue le commenter alors qu’il soulève de nombreuses interrogations,
  • la protection sociale complémentaire : depuis 2005 on compte a minima sept circulaires ou instructions de l’administration en matière de protection sociale complémentaire auxquelles s’ajoutent diverses lettres ministérielles. Il s’agit donc d’une des thématiques où leBOSS sera particulièrement attendu pour rendre la doctrine de l’administration plus intelligible et plus adaptative et ce, notamment dans un contexte où certains critères objectifs permettant la mise en place de régimes catégoriels devraient prochainement évoluer (CSS, art. R. 242-1-1).

Opposabilité et entrée en vigueur

L’intégralité du BOSS est opposable depuis le 1er avril 2021 (CSS, art. L. 243-6-2. – A. 30 mars 2021 : JO 31 mars 2021. – A. 31 mars 2021 : JO 1er avr. 2021, relatif à la mise à disposition des instructions et circulaires publiées au Bulletin officiel de la sécurité sociale).

En clair, un cotisant faisant application d’un dispositif légal ou réglementaire selon l’interprétation admise par l’administration dans le cadre du BOSS ne pourra pas faire l’objet d’un redressement sur ce fondement et en cas de contentieux, le juge ne pourra pas remettre en cause son application par le cotisant, sauf à violer l’article L. 243-6-2 précité.

Il convient de rappeler toutefois que l’interprétation opérée par l’administration ne lie en aucun cas le juge qui est libre de s’en écarter dans l’hypothèse où elle serait contraire aux textes légaux ou réglementaires.

Le BOSS mis en ligne le 8 mars 2021 est entré en vigueur le 1er avril 2021.

Toutefois, eu égard à l’évolution importante de la doctrine sur certains points, l’administration a précisé qu’« untemps d’adaptation sera laissé pour la prise en compte des commentaires qui tiennent compte d’un ajustement de la doctrine administrative actuelle ».

Ainsi, les commentaires figurant dans le BOSS :

  • qui ne constituent qu’une reprise de la doctrine administrative actuellement applicable sont opposables à compter du 1er avril 2021,
  • qui peuvent être considérés comme nouveaux bénéficieront d’une application différée. Le caractère nouveau ou non de la doctrine publiée suscitera nécessairement des débats.

Si les arrêtés des 30 et 31 mars 2021 relatifs à la mise à disposition des instructions et circulaires publiées au Bulletin officiel de la sécurité sociale (JO 31 mars 2021 et 1er avr. 2021) sont silencieux sur ce point, il est désormais expressément précisé sur la page d’accueil du BOSS dans la partie actualité les points sur lesquels les cotisants bénéficient d’un temps d’adaptation.

Le BOSS constitue donc un outil juridique de référence pour les cotisants ou les experts en la matière (experts paie, avocats, experts-comptables…).

Mais, il convient de rester vigilant sur son utilisation et quant aux conséquences pouvant en résulter.

Le BOSS : un outil sur lequel il faut rester vigilant

L’entrée en vigueur du BOSS soulève un certain nombre questions pour lesquelles nous n’avons pas encore de réponses certaines et seul le temps par son utilisation quotidienne nous apporteront des éclairages.

Quid des circulaires, instruction ministérielles non reprises ?

L’objectif affiché par la DSS est que le BOSS constitue « la base documentaire unique » puisque l’article L. 243-6-2 du Code de la sécurité sociale qui précise que cet outil a vocation à recouper « l’ensemble des instructions et circulaires » applicables en matière de charges sociales et de l’arrêté précité du 31 mars 2021 (art. 1er).

A ce titre, la page d’accueil du BOSS fait mention de l’ensemble des circulaires abrogées au 1er avril du fait de leur reprise dans cet outil.

Cela étant, dans un premier temps les circulaires non reprises dans le BOSS et donc non abrogées continueront de coexister indépendamment du BOSS (A. 31 mars 2021, art. 4).

Cette multiplicité de sources est constitutive d’insécurité juridique pour le cotisant et l’arrêté précité ne fixe pas de date limite de reprise des circulaires dans le BOSS.

Il convient donc de demeurer vigilant le temps que l’intégralité des circulaires actuellement opposables soient reprises dans le BOSS.

On peut aussi s’interroger sur la poursuite d’application par le réseau des Urssaf de circulaires ou instructions qui n’étaient pas opposables notamment en raison de leur non-publication au journal officiel ou de la qualité de leur rédacteur.

On pense notamment à l’ensemble des instructions non opposables ayant pour objet de régir le régime social des activités sociales et culturelles du comité social et économique.

Afin d’éviter l’insécurité juridique patente entourant ce domaine des cotisations et

contributions de sécurité sociale, il aurait été louable que ces dernières soient reprises dans le BOSS.

Il est toutefois probable que l’administration ait souhaité attendre, dans un premier temps, que le pouvoir législatif légifère sur ce sujet avant de le commenter.

Il serait fort appréciable que ce point sera enfin repris dans l’une des prochaines lois de financement de la sécurité sociale.

Utilisation effective pour l’administration

Afin d’éviter les sources multiples et disparates et au-delà du caractère opposable ou non, il est essentiel que l’administration se saisisse de cet outil unique et que l’intégralité de la doctrine soit désormais publiée exclusivement via ce canal comme c’est le cas en matière de fiscalité.

A défaut, on peut craindre une certaine insécurité juridique si en effet les cotisants se référeront uniquement au BOSS afin de déterminer les modalités d’application de dispositifs en termes de cotisations et contributions, sans penser que certaines circulaires ou instructions n’y sont pourtant pas publiées.

On peut citer par exemple la circulaire de la DSS du 5 mars 2021 ayant pour objet de commenter les dispositifs d’exonération de charges et d’aide au paiement applicables aux entreprises les plus impactées par la crise sanitaire (Circ n° DSS/5B/SAFSL/2021/53, 5 mars 2021).

Diffusée courant mars, elle n’a été reprise ni dans le corps d’une des fiches thématiques ni dans l’onglet actualité du BOSS.

Il s’agit sans doute du temps nécessaire à l’adoption et la prise en main de cet outil.

Interprétation

Quelle que soit la position de l’administration dans le BOSS, il convient de rappeler qu’en principe, il s’agit d’une doctrine administrative, en principe, à droit constant.

Cette doctrine est publiée dans l’unique objectif de commenter et interpréter des dispositions légales, réglementaires ou encore des arrêtés.

En aucun cas la doctrine administrative n’a pour objet de compléter les dispositions.

Mais le risque inhérent à la publication du BOSS est, de par sa simplicité et son actualisation constante, qu’il constitue à terme une sorte de norme juridique équivalente à la loi ou à un règlement auxquels se réfèrent les magistrats ou mêmes les experts en matière de paie.

Il peut s’avérer que, par son interprétation, l’administration ajoute à la loi ou au texte réglementaire des règles qui ne sont pas prévues.

Les exemples dans le BOSS sont nombreux.

On relèvera notamment celui de la condition selon laquelle l’application de la déduction forfaitaire spécifique est conditionnée à la présence du salarié sur le mois considéré (BOSS, Frais professionnels, paragraphe2140), condition qui ne ressort en aucun cas d’un texte spécifique.

Les positions de l’administration qui vont au-delà d’une simple explication de textes ne sont pas pour autant qu’en défaveur du cotisant.

A titre illustratif, la publication du BOSS permet d’acter des avancées majeures telles que :

  • la possibilité de proratiser le plafond de la sécurité sociale pour les salariés en forfait jours réduits (BOSS, Assiette générale, paragraphe 830) en dépit de la position de la Cour de cassation sur ce point (Cass. 2e civ., 11 juill. 2013, n° 13-40.025),
  • la possibilité d’opérer des remboursements de frais liés au télétravail de manière forfaitaire (BOSS, Assiette générale, paragraphe 1810).
Prudence enfin sur les actualisations

L’un des trois objectifs du BOSS est de permettre une actualisation constante de la doctrine administrative.

Même si cet objectif est louable, cette actualisation constante nécessitera un suivi permanent de cette doctrine afin notamment :

  • de mettre en conformité la pratique paie au fil de l’eau,
  • d’opérer des arbitrages sur certaines évolutions qui pourraient être considérées comme contestables au regard des textes légaux et réglementaires.

Le BOSS contient un onglet « actualité » et un lien direct permet d’y accéder.

Il convient d’espérer que ce dernier mettra en avant les évolutions du BOSS de manière régulière afin d’éviter de découvrir des nouveautés à l’occasion de la lecture d’un chapitre.

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