La connaissance est le pouvoir

Anticiper les evolutions voir toutes nos actualités

INAPTITUDE AU TRAVAIL : Point sur les dernières décisions de jurisprudence

 

Thème Contexte juridique Solution de l’arrêt
Consultation du CSE sur le reclassement
Situations concernées Lorsque le salarié est déclaré inapte, l’employeur lui propose un ou des postes de reclassement, après avis du comité social et économique s’il existe (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10). Peut-on en déduire que cette consultation n’a pas lieu d’être en l’absence de proposition du fait de l’absence de postes disponibles? Il résulte de l’article L 1226-10 du code du travail que l’employeur est tenu de consulter le comité social et économique (délégués du personnel au moment des faits) avant d’engager la procédure de licenciement d’un salarié inapte,  même s’il n’identifie pas de poste de reclassement (Cass. soc. 30 sept. 2020, n°19-16.488). Cette règle s’applique que l’inaptitude soit d’origine professionnelle ou non en raison de la rédaction similaire des articles L. 1226-10 et L. 1226-2 du code du travail.
Forme de la consultation Lorsque le salarié est déclaré inapte, l’employeur lui propose un ou des postes de reclassement, après avis du comité social et économique s’il existe (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10). Sous quelle forme doit avoir lieu la consultation? L’article L. 1226-10 du code du travail, n’imposant aucune forme particulière pour recueillir l’avis du comité social et économique (délégués du personnel au moment des faits) quant au reclassement d’un salarié déclaré inapte, la cour d’appel, peut constater que la consultation par conférence téléphonique vaut consultation et  que chaque élu a émis un avis (Cass. soc. 30 sept. 2020, n°19-13.122 (1er moyen). Cette solution s’applique aussi à l’inaptitude non professionnelle du fait de la rédaction identique de l’article L. 1226-2.
Sanction du défaut de consultation Les propositions de poste de reclassement au salarié inapte doivent faire l’objet d’un avis préalable du comité social et économique lorsqu’il existe (C. trav., art. L. 1226-1). Est-ce une règle de procédure dont la sanction est 1 mois de salaire ou une formalité substantielle dont la sanction est l’indemnité de licenciement abusif? La consultation des représentants du personnel sur le reclassement du salarié inapte est une formalité substantielle ; son omission  rend le licenciement sans cause réelle et sérieuse, même si le reclassement a été sérieusement envisagé et mis en oeuvre, sans succès, par l’employeur, y compris en cas d’inaptitude non professionnelle (Cass. Soc. 30 septembre 2020, n° 19-11.974).
Etendue de l’obligation de reclassement
Multiples propositions de postes compatibles avec l’état de santé du salarié Il incombe à l’employeur, avant le prononcé de tout licenciement pour inaptitude, de rechercher dans l’entreprise et le cas échéant, dans les entreprises du groupe, tous les postes disponibles appropriés aux capacités du salarié devenu inapte à son poste (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10) L’obligation de reclassement est respectée lorsque le salarié ayant été déclaré inapte à son poste mais apte à un poste identique dans un autre contexte environnemental ou à un poste administratif au service paie et au télétravail, a refusé les 4 postes proposés, qui avaient été déclarés compatibles avec son état de santé par le médecin du travail dès lors que l’employeur justifie avoir effectué des recherches de reclassement personnalisées et circonstanciées au sein des filiales du groupe (Cass. soc. 2 déc., 2020; n° 19-19.296)

 

Reclassement  au niveau du groupe : charge de la preuve de la permutation du personnel La recherche de reclassement doit s’effectuer au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe situées en France dont les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation permettent d’assurer la permutation de tout ou partie du personnel (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10) C ‘est aux juges de préciser en quoi les activités, l’organisation ou le lieu d’exploitation des sociétés permettent d’assurer la permutation de tout ou partie du personnel. Le seul fait que le dirigeant soit commun ne suffit pas (Cass. soc., 9 déc. 2020, n° 19-23.290)
Les juges du fond apprécient les éléments qui lui sont soumis tant par l’employeur que par le salarié pour constater si l »organisation du réseau auquel appartenait l’entreprise permettait entre les sociétés adhérentes la permutation de tout ou partie de leur personnel. La simple adhésion à un groupement d’intérêt économique ne suffit pas (Cass. soc., 30 sept. 2020, n°19-13.122, 2ème moyen)
Information du salarié sur le reclassement
Liste des postes disponibles Lorsque le salarié est déclaré inapte, l’employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu’il formule sur les capacités du salarié à exercer l’une des tâches existantes dans l’entreprise (C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10) L’employeur n ‘est pas tenu de transmettre au salarié l’ensemble des postes disponibles mais seulement ceux qui sont compatibles avec les préconisations du médecin du travail. En l’espèce, l’employeur avait communiqué une liste complète des postes disponibles au médecin du travail mais pas au salarié (Cass. soc., 18 nov. 2020, n° 19-13.521)
Incidence de l’absence de desiderata exprimés par le salarié L’employeur est tenu de rechercher les possibilités de reclassement tant au sein de la société que parmi l’ensemble des entreprises appartenant au même groupe dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.(C. trav., art. L. 1226-2 et L. 1226-10) L’employeur peut tenir compte de la position prise par le salarié sur les postes de reclassement à proposer. Mais  ‘absence de souhait exprimé par le salarié ne dispense pas l’employeur d’effectuer des recherches sérieuses au sein des entreprises dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d’y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel (Cass.soc., 12 nov. 2020, n° 19-12.771).
Sanction de l’absence de notification de l’impossibilité de reclassement L’employeur qui est dans
l’impossibilité de proposer un autre emploi au salarié doit lui faire connaître
par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement (C. trav., art. L. 1226-2-1 et L. 1226-2-12)
La demande en dommages-intérêts en application de l’article L. 1226-15 du code du travail inclut nécessairement la demande en dommages-intérêts pour violation de l’obligation de notifier par écrit les motifs s’opposant au reclassement prévue à l’article L. 1226-12 du même code. Même si  les recherches de reclassement de l’employeur ont été complètes, loyales et sérieuses, le juge doit sanctionner le non-respect par l’employeur de son obligation de notifier par écrit les motifs s’opposant au reclassement (Cass. soc., 25 nov. 2020, n° 19-16.424).

 

 

Validité du licenciement pour l’inaptitude
Incidence d’une faute inexcusable Le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée (jurisprudence constante : Cass. soc., 6 juill. 2017, n°16-14.911) Si le seul fait de l’existence d’une faute inexcusable de l’employeur ne prive pas en soi le licenciement  de cause réelle et sérieuse; les juges du fond doivent rechercher, s’ils y sont invités, si l’inaptitude était consécutive à un manquement préalable de l’employeur à son obligation de sécurité (Cass. soc., 21 oct. 2020, n°19-15.376)
Indemnités liées au  licenciement pour inaptitude
Refus du reclassement En cas de licenciement pour inaptitude d’origine professionnelle, l’employeur est tenu de verser au salarié une indemnité compensatrice de préavis ainsi qu’une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l’indemnité légale. Ces indemnités ne sont pas dues si le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif (C. trav., art. L. 1226-14) Ne peut être déclaré abusif le refus par un salarié du poste de reclassement proposé par l’employeur lorsque la proposition de reclassement entraîne une modification du contrat de travail. Tel est le cas lorsque le mode de rémunération du salarié n’ est pas maintenu dans l’offre de reclassement. En l’espèce, le salarié percevait 15 % de la recette hors taxe, sans partie fixe, mais ce mode de rémunération ne pouvait être maintenu en l’absence de contact avec la clientèle. La proposition de poste prévoyait un maintien du salaire sur la base de sa rémunération moyenne annuelle de sorte que le salarié n’aurait pas subi de perte de revenu. (Cass. soc., 25 nov. 2020, n° 19-21.881)
Indemnité conventionnelle de licenciement Une clause conventionnelle qui exclut les salariés licenciés pour inaptitude de l’indemnité de licenciement plus favorable qu’elle institue, est frappée de nullité en raison de son caractère discriminatoire fondé sur l’état de santé du salarié (Cass. Soc. 8 octobre 2014, n° 13-11.789)  En l’espèce, un accord d’entreprise (personnel au sol Air France) prévoyait une indemnité de licenciement plus favorable que celle prévue à la convention collective (personnel au sol des entreprises de transport aérien). N’ étaient exclus que les salariés licenciés pour motif disciplinaire ou pour inaptitude. L’ exclusion des licenciements pour inaptitude est inopposable aux salariés concernés ; l’indemnité conventionnelle plus favorable leur est donc applicable. La présomption du caractère justifié des dispositions conventionnelles ne s’applique pas au regard du principe de non-discrimination (Cass. soc., 9 déc. 2020, n° 19-17.092)
Reprise du salaire
Sanction forfaitaire de l’inaction de l’employeur A l’issue du délai d’un mois à compter de la date de l’examen médical de reprise du travail, si  le salarié déclaré inapte n’est pas reclassé  ou s’il n’est pas licencié, l’employeur lui verse, dès l’expiration de ce délai, le salaire correspondant à l’emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail (C. trav., art. L. 1226-4 et L. 1226-11). La délivrance d’un nouvel arrêt de travail postérieur à la déclaration d’inaptitude ne peut avoir pour effet d’ouvrir une nouvelle période de suspension du contrat de travail qui dispenserait l’employeur de son obligation de reprendre le paiement du salaire à l’issue du délai d’un mois (Cass. Soc. 21 octobre 2020, n° 19-12.674).

Il s’agit d’une jurisprudence constante (Cass. Soc. 6 juillet 2020, n° 19-14.006)

Recours contre l’avis d’inaptitude
Pouvoir du juge Entre le 1er janvier 2017 et le 1er janvier 2018, pour contester l’avis d’inaptitude, il fallait demander la désignation d’un médecin-expert devant le conseil de prud’hommes (article L. 4624-7 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n 2016-1088 du 8 août 2016). Les juges pouvaient ils porter une appréciation sur l’opportunité de l’expertise sollicitée ?

 

 

La formation de référé du conseil de prud’hommes, saisie d’une demande de désignation d’un médecin expert, dans les conditions prévues par l’article L. 4624-7 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance du 20 décembre 2017, n’est pas tenue d’accueillir cette demande. En l’espèce, les juges ont refusé la désignation d’un médecin-expert en se fondant sur l’absence d’éléments de nature médicale pertinents permettant d’appuyer la demande du salarié (Cass. soc., 25 nov. 2020, n° 19-20.944).

Remarque : a priori cette jurisprudence est transposable à la procédure actuelle de contestation des avis d’inaptitude. Depuis le 1er janvier 2018, le conseil de prud’hommes décide comment exécuter la mesure d’instruction; il peut notamment saisir un médecin inspecteur du travail. Il ne devrait pas être dans l’obligation, à notre avis, d’accueillir cette  demande selon cette solution .

.

 

Partagez cet article

Facebook
Twitter
LinkedIn
Email
WhatsApp

Je souhaite m’abonner à la newsletter

Thank you!

Aller au contenu principal