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OUVERTURE D’UN FICHIER PERSONNEL HORS LA PRESENCE D’UN SALARIE

La CEDH vient d’examiner la conformité de la jurisprudence française en matière d’accès aux fichiers informatiques du salarié par l’employeur.

L’affaire concernait un cadre de la SCNF qui contestait une mesure de radiation, prononcée à son encontre, après que son employeur ait découvert,  sur le disque dur de son ordinateur professionnel, de fausses attestations au bénéfice de tiers, ainsi que de nombreux fichiers contenant des images et des films pornographiques.

Pour contester cette mesure, il faisait valoir que la SNCF avait porté atteinte à sa vie privée en ouvrant, en son absence, des éléments identifiés comme personnels sur son ordinateur.

Or, selon une jurisprudence bien établie, l’employeur ne peut ouvrir ce type de  fichiers identifiés comme personnels, qu’en présence du salarié ou celui-ci dûment appelé.

Néanmoins, il fut débouté de sa demande, par la Cour de cassation, qui lui rappela que les dossiers et fichiers créés par un salarié, grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail, sont présumés professionnels, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels.

De la sorte, la Haute juridiction avait estimé que le disque dur du salarié destiné à son activité professionnelle ne pouvait artificiellement être renommé par le salarié comme étant un disque dur privé, auquel l’employeur ne pouvait avoir accès.

Le salarié avait alors saisi la CEDH, pour violation de l’article 8 de la de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme.

Précisément dans cette affaire, le salarié avait baptisé les fichiers litigieux « rires » « Fred P », « Socrif », ou encore « Catherine » mais ils étaient contenu sur le disque dur de l’ordinateur renommé par le salarié « D:/données personnelles ».

Pour la SCNF le fichier « D » était dénommé par défaut « D:/données » et servait traditionnellement aux agents à stocker leurs documents professionnels.

L’intéressé ne pouvait donc pas utiliser l’intégralité de ce disque dur, censé enregistrer des données professionnelles, pour un usage privé.

La Cour de cassation entérine cette analyse « La dénomination donnée au disque dur lui-même ne peut conférer un caractère personnel à l’intégralité des données qu’il contient » (Cass. soc., 4 juillet 2012, n° 11-12.502)

De plus, la charte informatique de la SNCF précisait que  « Les informations à caractère privé doivent être clairement identifiées comme telles (option « Privé » dans les critères OUTLOOK, notamment). Il en est de même des supports recevant ces informations (répertoire « PRIVÉ »).. (…) ».

La SNCF faisait ainsi  valoir que la désignation « données personnelles », figurant sur le disque dur, ne pouvait valablement interdire l’accès à cet élément.

Une fois encore, la Haute juridiction confirme l’analyse, et entérine la décision des juges du fond, validant la radiation de l’intéressé, décision  jugée fondée et parfaitement proportionnée au regard du volume de fichiers concerné (Cass. soc., 4 juillet 2012, n° 11-12.502 D ; v. l’actualité n° 16142 du 13 juillet 2012).

A son tour, la CEDH rejette la demande de l’intéressé et confirme l’analyse des Magistrats français.

Elle fait valoir que certes, en usant du mot « personnel » pour renommer le disque, plutôt que du mot « privé », le requérant a utilisé le même terme que celui que l’on trouve dans la jurisprudence de la Cour de cassation.

Toutefois, au regard de l’appréciation de compatibilité des mesures litigieuses avec l’article 8 de la Convention qu’il revient à la Cour d’effectuer, cela ne suffit pas pour mettre en cause la pertinence ou la suffisance des motifs retenus par les juridictions internes, eu égard au fait que la charte de l’utilisateur pour l’usage du système d’information de la SNCF indique spécifiquement que « les informations à caractère privé doivent être clairement identifiées comme telles ».

La Cour précise qu’ayant constaté que le requérant avait utilisé une partie importante des capacités de son ordinateur professionnel pour stocker les fichiers litigieux (1 562 fichiers représentant un volume de 787 mégaoctets), la SNCF et les juridictions internes pouvaient juger nécessaire d’examiner sa cause avec rigueur.

En conséquence, la CEDH, qui rappelle, par ailleurs, qu’il lui faut considérer les décisions critiquées à la lumière de l’ensemble de l’affaire, estime que les autorités internes n’ont pas excédé la marge d’appréciation dont elles disposaient, et qu’il n’y a donc pas eu violation de l’article 8 de la Convention. (CEDH, 22 fev. 2018, aff. 588/13 Libert c/France)

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