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REMUNERATION VARIABLE : L’employeur peut-il valablement déduire de la rémunération variable d’un salarié le montant des cotisations sociales à la charge de l’entreprise ?

réduction rémunération variable

Après avoir successivement retenu des positions divergentes, la Cour de cassation revient, dans deux décisions sur 27 janvier 2021, sur la portée à donner à l’article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale pour décider que les charges sociales supportées par l’employeur peuvent être prises en compte pour la détermination de l’assiette de la rémunération variable.

Retour sur les positions successives de la Cour de cassation

La fixation d’une rémunération variable est fréquente, en particulier pour les salariés occupant des fonctions commerciales.

Aucune règle légale ne fixe les modalités de sa détermination.

C’est à la jurisprudence qu’il est appartenu de fixer les conditions de sa validité (Cass. Soc. 2 juillet 2002, n° 00-13.111 ; Cass. Soc. 20 avril 2005, n° 03-43.734).

Ces conditions sont les suivantes :

  • être fondée sur des éléments objectifs indépendants de la volonté de l’employeur,
  • ne pas faire porter le risque d’entreprise sur le salarié,
  • et ne pas avoir pour effet de faire descendre la rémunération en –dessous des minima légaux et conventionnels.

Comme le salaire fixe, la rémunération variable est soumise à cotisations sociales, l’employeur devant supporter sa quote-part.

Pour éviter toute tentation de faire supporter les charges dues par l’employeur au salarié, l’article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale précise que « la contribution de l’employeur reste exclusivement à sa charge, toute convention contraire étant nulle de plein droit ».

Invoquant le texte, des salariés avaient saisi les juridictions pour contester la manière dont l’employeur avait calculé la rémunération variable lorsque cette dernière prenait en compte les charges sociales supportées par l’entreprise.

Deux arrêts de la Chambre Sociale en date du 10 décembre 1981, n° 79-42.490 et du 10 novembre 1993, n° 89-44.063 avaient jugé licite de convenir d’une assiette de rémunération nette après déduction des charges d’exploitation et sociales.

Puis, par un arrêt du 17 octobre 2000, n° 98-45.669, la Cour de cassation avait pris le contrepied de ces décisions.

Interprétant le texte de l’article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale, la Cour de cassation avait dégagé le principe suivant : « la clause contractuelle, selon laquelle les commissions revenant au salarié étaient diminuées du montant des cotisations sociales patronales, est nulle » (Cass. Soc. 17 oct. 2000 n° 98-45669).

Il s’agissait en l’espèce d’un salarié dont le contrat de travail prévoyait que sa rémunération serait déterminée par le solde d’un compte comprenant, en crédit, plusieurs postes au titre de son apport à l’activité de l’entreprise et, en débit, les dépenses en résultant, parmi lesquelles figurait la totalité des charges versées par l’employeur sur sa rémunération.

Ce mode de calcul avait donc été jugé illicite.

La Cour de cassation a consacré ensuite cette interprétation extensive dans plusieurs arrêts, considérant que la prohibition de l’article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale s’applique tant au versement de la rémunération variable qu’aux modalités de calcul de son assiette (Cass. Soc. 14 septembre 2005, n° 03-43.314 ; Cass. Soc. 15 décembre 2009, n° 08-42.917 et 08-41.385).

La Haute juridiction appliquait il y a peu encore le même raisonnement à une salariée dont le contrat de travail prévoyait une rémunération variable représentant 2 % du résultat avant impôt de l’exercice de la société.

Elle avait jugé, sur le fondement de l’article L 241-8 du Code de la sécurité sociale, que la base de calcul de la rémunération variable de la salariée méconnaissait l’exigence selon laquelle les cotisations sociales dues par l’employeur restent exclusivement à sa charge.

De sorte que l’employeur devait réintégrer le montant des cotisations patronales de sécurité sociale dans l’assiette de calcul de la rémunération variable (Cass. Soc. 5 juill. 2017 n° 16-13042).

A l’occasion du pourvoi contre une décision de la Cour d’appel de Paris du 27 février 2018 (Cass. Soc. 21 novembre 2018, n° 18-15.844), une question prioritaire de constitutionnalité lui avait été soumise :

« Les dispositions de l’article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale, telles qu’interprétées par la Cour de cassation, sont-elles contraires aux principes constitutionnels de liberté contractuelle, de liberté d’entreprendre et de droit de propriété en ce qu’elles interdisent aux parties à un contrat de prendre en compte pour la détermination de la rémunération variable (versée en plus d’un salaire fixe supérieur au minimum légal et/ou conventionnel) les charges patronales payées sur la rémunération des salariés ? »

La Cour de cassation a refusé de transmettre la question au Conseil Constitutionnel pour défaut de caractère sérieux.

Elle avait considéré que l’interprétation jurisprudentielle de l’article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale ne portait aucune atteinte disproportionnée aux différents droits et libertés susvisés.

La position judiciaire semblait donc établie et ne pas devoir être revue.

 

La Cour de cassation vient toutefois de revenir en partie sur cette décision

La Cour de cassation a en effet décidé, par deux arrêts du 27 janvier 2021 (Cass. Soc. 27 janvier 2021, n° 17-31.046 ; Cass. Soc. 27 janvier 2021, n° 18-21.391), de revoir la portée de l’article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale et de revenir à une interprétation plus conforme à l’objectif poursuivi par cette disposition.

En l’espèce, un salarié avait sollicité la résiliation judiciaire de son contrat de travail au motif que certains éléments de salaire ne lui avaient pas été correctement réglés.

Il contestait ainsi la manière dont sa rémunération variable était calculée, notamment parce qu’elle prenait en compte les charges sociales dont était redevable l’entreprise.

En l’espèce, le contrat de travail prévoyait une commission de 20 % de la marge nette de son secteur.

La marge nette était définie à partir de la marge brute déterminée et perçue par l’entreprise pour chaque produit vendu, après déduction, outre les frais de voiture, téléphone, restaurant, péage exposés par le salarié, d’un forfait au titre des charges sociales.

Pour le salarié, ce dernier forfait ne devait pas être pris en compte et devait être réintégré dans l’assiette de sa rémunération variable.

La Cour d’appel de Nîmes (CA Nîmes, 10 octobre 2017 n° 16/00555) avait débouté le salarié de son rappel de commissionnement.

Le salarié a formé un pourvoi en cassation, considérant que la Cour d’appel avait violé l’article L 241-8 en retenant que le calcul des commissions s’effectuait sur la marge brute diminuée de l’ensemble des charges sociales exposées par l’employeur.

Dans ces décisions du 27 janvier 2021, la Cour de cassation relève que même s’il résulte de sa propre jurisprudence qu’est nulle la clause du contrat de travail en vertu de laquelle la rémunération variable est déterminée déduction faite des cotisations sociales à la charge de l’entreprise, « la détermination de l’assiette de la rémunération variable ne relève pas de la prohibition de l’article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale qui ne concerne que le paiement des cotisations ».

La Chambre Sociale de la Cour de cassation considère en effet que la prohibition de l’article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale ne porte que sur les modalités de paiement de la rémunération et pas sur sa détermination.

Elle expose ainsi que les parties peuvent, pour des raisons qui leur appartiennent, parfaitement exclure les cotisations sociales patronales de l’assiette de calcul sans que cela remette en cause le paiement par l’employeur des cotisations patronales dues sur le montant de la rémunération revenant effectivement au salarié.

En conséquence, ils rappellent dans cet arrêt que sont nulles de plein droit les dispositions d’un contrat de travail en vertu desquelles la rémunération variable d’un salarié est déterminée déduction faite des cotisations sociales à la charge de l’employeur.

Avant d’ajouter : « toutefois, s’agissant de la détermination de l’assiette de la rémunération variable, de telles dispositions contractuelles n’ont pas pour effet de faire peser sur le salarié la charge des cotisations patronales. Il en résulte qu’il y a lieu de juger désormais que la détermination de l’assiette de la rémunération variable ne relève pas de la prohibition de l’article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale qui ne concerne que le paiement des cotisations sociales » (Cass. Soc. 27 janvier 2021, n° 17-321.046).

Dans la note explicative, la Cour explique qu’elle a choisi « d’élargir l’exercice par les parties de leur liberté contractuelle dans la fixation des conditions de rémunération du salarié.

En effet, les parties peuvent, pour des raisons qui leur appartiennent au regard de l’objet qu’elles fixent à la rémunération variable, exclure les cotisations sociales patronales de l’assiette de calcul, sans que cela remettre en cause le paiement par l’employeur des cotisations patronales dues sur le montant de la rémunération revenant effectivement au salarié.

En outre, l’assiette de calcul doit être reliée aux autres éléments de détermination de la rémunération variable comme le taux éventuellement appliqué.

Or, ce dernier peut corriger les effets d’assiette dans les conditions que les parties estiment pertinentes. »

Le changement de position ne peut être que salué puisqu’il résultait, selon nous, d’une interprétation erronée de l’article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale.

Elle ne donne cependant pas un blanc-seing aux entreprises en la matière.

Elle souligne en effet que la clause de rémunération variable doit s’apprécier en fonction de l’objet qu’elle s’est fixée (que veut elle rémunérer), des éléments pris en compte (les charges sociales ne devraient pas être seules) et du taux attribué au salarié.

Si l’application de la clause devait aboutir à ce qu’elle ait pour unique objet de faire prendre en charge par le salarié le coût des charges sociales supportées par l’entreprise, celle-ci s’exposerait inévitablement à la prohibition instaurée par l’article L 241-8 du Code de la Sécurité Sociale.

La solution retenue par la Cour de cassation est, en conclusion, salutaire dans cette période où la situation économique des entreprises est au cœur des préoccupations : pouvoir associer les salariés à la valeur ajoutée, les sensibiliser à la manière dont elle se détermine est essentiel.

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/notes_explicatives_7002/relative_arret_46250.html

 

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