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L’activité partielle individualisée à partir du 11 mai

Activité partielle individualisée

Pour rappel et jusqu’à présent, les demandes d’activité partielle pour les entreprises se faisaient de manière collective sur un volume d’heures à répartir au sein de l’entreprise et par salarié, à condition de respecter l’égalité de traitement et les règles de non-discrimination, organiser un roulement entre les salariés (par exemple certains travailleront en début de semaine, d’autres en fin de semaine).

Aussi, l’employeur ne pouvait pas cibler un poste ou un salarié mais des secteurs ou des activités, voire des équipes.

La loi n° 2020-473 du 25 avril 2020 de finances rectificative pour 2020 avait déjà prévu une première modalité d’individualisation, en faisant basculer les personnes jusque-là en arrêts dérogatoires (pour garde d’enfants, personnes vulnérables, conjoints de personnes vulnérables) ou qui y seraient éligibles- en AP à compter du 1er mai.

L’article 8 de l’ordonnance n°2020-460 du 22 avril 2020 a également prévu des possibilités d’individualisation.

Cette ordonnance permet désormais en effet le placement en activité partielle des salariés de façon individualisée ou selon une répartition non uniforme des heures chômées ou travaillées au sein d’un même établissement, service ou atelier, y compris ceux relevant de la même catégorie socio professionnelle lorsque cette individualisation est nécessaire pour le maintien ou la reprise d’activité.

Ce que prévoit l’ordonnance en matière d’individualisation de l’activité partielle

La nécessité de passer par un accord collectif ou par une décision de l’employeur ayant recueilli l’avis favorable du CSE ou du conseil d’entreprise

Même si cette nouvelle modalité de recours à l’allocation partielle permet à l’employeur d’échapper, temporairement (la faculté de recours de manière individualisée est temporaire), et sous certaines conditions, à la règle de l’égalité de traitement entre les salariés d’une même catégorie professionnelle, les règles de non-discrimination continuent, à notre sens, de s’appliquer.

L’accord, ou le document, soumis à l’avis du comité social et économique ou du conseil d’entreprise détermine notamment :

  • les compétences identifiées comme nécessaires au maintien ou à la reprise de l’activité de l’entreprise, de l’établissement, du service ou de l’atelier,
  • les critères objectifs, liés aux postes, aux fonctions occupées ou aux qualifications et compétences professionnelles, justifiant la désignation des salariés maintenus ou placés en activité partielle ou faisant l’objet d’une répartition différente des heures travaillées et non travaillées,
  • les modalités et la périodicité (celle-ci ne peut être inférieure à 3 mois), selon lesquelles il est procédé à un réexamen périodique des critères liés aux postes, aux fonctions ou aux qualifications et compétences professionnelles, afin de tenir compte de l’évolution du volume et des conditions d’activité de l’entreprise en vue, le cas échéant, d’une modification de l’accord ou du document,
  • les modalités particulières de conciliation de la vie professionnelle et la vie personnelle et familiale des salariés concernés,
  • les modalités d’information des salariés de l’entreprise sur l’application de l’accord pendant toute sa durée.

Ces accords et décisions unilatérales prises en application de ce texte cessent de produire effet à une date fixée par décret, et au plus tard au 31 décembre 2020.

Le sort des salariés protégés en cas d’individualisation du placement en activité partielle

Selon nous et dans la mesure où on est toujours dans un dispositif exceptionnel, la dispense de requérir leur consentement expresse demeure applicable.

Comment articuler ce dispositif d’individualisation prévue par l’ordonnance du 22 avril avec la bascule des personnes en arrêt dérogatoire vers l’activité partielle prévue par la loi PLFR pour 2020 ?

L’article 20 de la loi PLFR de 2020 vise les salariés qui étaient jusqu’alors en arrêt dérogatoire ou qui pourraient en bénéficier pour les motifs suivants :

  • personnes vulnérables au Covid-19 (un décret doit poser les critères de vulnérabilité),
  • conjoints, parents ou enfants d’une personne vulnérable avec laquelle ils/elles demeurent,
  • parents d’un enfant de moins de 16 ans ou d’une personne en situation de handicap, qui se trouvent, dans l’impossibilité de continuer à travailler.

A compter du 1er mai, ces personnes basculent dans l’AP et perçoivent « l’indemnité d’activité partielle mentionnée au II de l’article L. 5122‑1 du code du travail, sans que les conditions prévues au I de ce même article ne soient requises ».

La durée d’application de ce texte (donc de prise en charge au titre de l’activité partielle) varie selon les publics.

Pour les personnes vulnérables et celles demeurant avec une personne vulnérable, la date sera fixée par décret (au plus tard 31.12.20).

Pour les salariés qui étaient en arrêt pour garde d’enfants, cela dépend de la durée pendant laquelle leur enfant sera maintenu à domicile.

Il convient de s’interroger tout d’abord si les deux dispositifs doivent être considérés comme distincts, et donc obéir chacun à un régime différent, ou bien si les dispositions de l’ordonnance du 22 avril complètent celles sur la bascule des personnes vulnérables.

Il nous apparaît que les deux dispositifs sont indépendants.

En effet, pour la bascule des arrêts de travail dans l’activité partielle, les critères de vulnérabilité étant définis par décret, ils ne peuvent donc être ni le fruit d’un accord, ni celui d’un échange via la consultation.

En outre, la bascule des arrêts de travail en activité partielle est obligatoire et automatique alors que la mise en place individualisée du chômage partiel, qui repose sur des critères liés aux postes, compétences, fonctions, qualifications, n’est qu’une faculté.

Enfin, les deux dispositifs ont des objectifs différents : préservation de la santé et nécessité de la vie familiale pour l’un, et maintien ou reprise de l’activité pour l’autre.

En cas de bascule des arrêts de travail ou d’allocation partielle individualisée, faut-il solliciter une nouvelle demande d’autorisation administrative préalable ?

La question apparaît, selon nous, recevoir une réponse différente pour chaque cas.

Concernant la bascule des arrêts dérogatoires en activité partielle

Les salariés qui bénéficiaient des arrêts dérogatoires basculent en AP pour leur indemnisation, peu importe la situation antérieure de l’entreprise et ce, de façon automatique, y compris si l’entreprise n’avait pas eu recours à l’allocation partiel jusqu’alors.

A notre sens, deux cas de figure sont à distinguer :

  • si l’entreprise a déposé au début du confinement une demande d’AP, elle n’a pas à en refaire une,
  • si l’entreprise n’avait pas eu recours à l’AP jusqu’alors, il y a lieu, à notre sens, à procéder à la demande d’AP.
Concernant l’individualisation issue de l’ordonnance du 22 avril 2020

A notre sens également, deux cas de figure doivent être distingués :

  • Soit l’entreprise avait déjà eu recours à l’AP depuis le début du confinement, alors elle n’a pas à solliciter une nouvelle autorisation.

Les modalités de mise en place de l’allocation partielle individualisée (accord collectif ou avis favorable du CSE) garantissent sa mise en place, laquelle est légitimée par la signature de l’accord collectif ou l’avis favorable du CSE.

  • Soit l’entreprise n’avait pas eu recours à l’AP jusqu’à la date de signature de l’accord ou l’avis favorable du CSE, alors elle doit procéder à la demande d’allocation partielle.
  • En cas de recours au seul avis favorable, dans quel délai l’avis doit-il être rendu ?

Il convient de noter toutefois que si l’employeur ne veut pas conclure d’accord, les délais pour rendre l’avis, sans même évoquer une hypothétique expertise, seront très brefs, puisque l’article 9 de l’ordonnance du 22 avril 2020 précitée prévoit de raccourcir les délais d’information-consultation et d’expertise par décret pour toutes les consultations « qui ont pour objectif de faire face aux conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l’épidémie de covid-19 ».

Deux décrets ont fixés les nouveaux délais de consultation.

Le premier décret fixe les délais d’information/consultation applicables aux procédures entamées à compter du 3 mai 2020.

Délais d’information-consultation
Objet du délai Délai
Avis du CSE/CSEE1/CSEC2 en l’absence d’expert 8 jours (contre 1 mois)
Avis du CSE/CSEE en cas d’expertise 11 jours (contre 2 mois)
Avis du CSEC en cas d’expertise 12 jours (contre 2 mois)
Avis du CSEC en cas de double consultation CSEE/CSEC donnant lieu à une ou plusieurs expertises 12 jours (contre 3 mois)
Délai minimal entre la transmission de l’avis du CSEE au CSEC et le terme du délai butoir imparti au CSEC pour rendre son avis, en cas de double consultation 1 jour (contre 7 jours)

 

Délais d’expertise
Objet du délai Délai
Délai dont dispose l’expert, à compter de sa désignation, pour demander à l’employeur toutes les informations complémentaires qu’il juge nécessaires à la réalisation de sa mission 24 heures (contre 3 jours)
Délai dont dispose l’employeur pour répondre à cette demande 24 heures (contre 5 jours)
Délai dont dispose l’expert pour notifier à l’employeur le coût prévisionnel, l’étendue et la durée de l’expertise 48 heures à compter de sa désignation (contre 10 jours)

Si une demande a été adressée à l’employeur, 24 heures à compter de sa réponse

Délai dont dispose l’employeur pour saisir le juge d’un recours 48 heures (contre 10 jours)
Délai minimal entre la remise du rapport par l’expert et l’expiration des délais de consultation du CSE/CSEE/CSEC 24 heures (contre 15 jours)

Ce décret rappelle que ces règles ne s’appliquent pas aux consultations organisées dans le cadre d’un PSE ou d’un APC et ajoute qu’elles ne s’appliquent pas non plus aux consultations récurrentes (orientations stratégiques ; situation économique et financière ; politique sociale, conditions de travail et emploi).

L’ensemble de ces règles sont applicables aux délais qui commencent à courir entre le 3 mai et le 23 août 2020.

Un second décret précise que le raccourcissement des délais de transmission de l’ordre du jour s’applique aussi entre le 3 mai et le 23 août 2020.

Que se passe-t-il dans les entreprises de moins de 11 salariés ?

L’employeur peut-il décider unilatéralement d’un placement individualisé en AP lorsqu’il n’y a pas d’élus ? Ou faut-il dans ce cas une autorisation administrative spécifique ?

S’il n’y a pas d’élus ou pas de DS, et pas d’« accord » validé par référendum, il nous semble que l’employeur ne puisse pas mettre en place l’AP individualisée, qui est un dispositif dérogatoire, donc d’interprétation stricte.

Il devra s’en tenir à un placement collectif en AP.

 

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