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LA VIDÉOPROTECTION : Un moyen de preuve licite ?

LA VIDEOPROTECTION : Un moyen de preuve licite ?

 

La liberté est un droit naturel et imprescriptible de l’Homme, la protection de la vie privée ayant, plus spécifiquement, été affirmée notamment par l’article 12 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme selon lequel « … nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée (…), ni d’atteintes à son honneur et à sa réputation. Toute personne a droit à la protection de la loi contre de telles immixtions ou de telles atteintes … ».

L’article 1er de la Loi Informatique et liberté du 6 janvier 1978 précise à cet égard que « … l’informatique (…) ne doit porter atteinte (…) ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques. Toute personne dispose du droit de décider et de contrôler les usages qui sont faits des données à caractère personnel la concernant … ».

A la faveur du principe selon lequel « … la sécurité est un droit fondamental et l’une des conditions de l’exercice des libertés individuelles et collectives … », ainsi que du basculement des craintes de l’opinion publique quant au respect des libertés individuelles et de la vie privée, il a été constaté, ces dix dernières années, une accélération du déploiement de la surveillance vidéo.

Pour exemple, en 2018, Martin Hirsch indiquait vouloir « passer à la vitesse supérieure » concernant la vidéosurveillance dans les hôpitaux, « 40 % de caméras supplémentaires, soit plus de 1 500 au total, là où les équipes estiment en avoir besoin » (pour un investissement estimé à 30 millions d’euros) ayant été annoncées.

Le juge judiciaire joue un rôle fondamental en la matière, l’article 9 du code civil rappelant que « … chacun a droit au respect de sa vie privée … » et que « … les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures (…) propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l’intimité de la vie privée (…) », l’article 226-1 du code pénal prévoyant pour sa part un arsenal répressif spécifique (un an d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende) s’agissant de la captation, de l’enregistrement ou de la transmission de paroles ou d’images relevant de la vie privée d’une personne, sans son consentement.

 

 

Alors comment garantir l’effectivité de ces principes dans les relations de travail tout en permettant à l’employeur de préserver ses droits et de satisfaire la charge probatoire qui lui incombe exclusivement s’agissant de faits fautifs commis par un salarié ?

La « vidéosurveillance » est le moyen le plus efficace, dès lors qu’elle peut avoir pour finalité le contrôle de l’activité des salariés et, a fortiori, l’utilisation des images vidéo à leur encontre dans le cadre d’une procédure disciplinaire, par exemple en cas de vols (auxquels sont régulièrement confrontées les entreprises de commerce).

Ce système devra néanmoins répondre aux conditions strictes suivantes :

  • une déclaration à la CNIL,
  • une autorisation préfectorale, lorsque les lieux sont ouverts au public,
  • une information/consultation des instances représentatives du personnel, sur le fondement de l’article L. 2323-32 du code du travail s’agissant de « … moyens ou techniques permettant un contrôle de l’activité des salariés … »,
  • une information individuelle des salariés, sur le fondement de l’article L. 1222-4 du code du travail s’agissant d’informations les concernant personnellement,
  • et, plus précisément, parce que leur activité est contrôlée.

 

 

Comment faire lorsqu’un établissement n’est pas équipé d’un tel système de vidéosurveillance mais plutôt d’un système de vidéoprotection, destiné à assurer la sécurité des biens et des personnes … ?

Surtout lorsque le salarié « pris la main de le sac », pour contester son licenciement, invoque le fait qu’il n’a pas été informé de ce que ce système pouvait être utilisé à son encontre dans le cadre d’une procédure disciplinaire, ce qui rendrait la preuve illicite !

Cette position expiatoire est très critiquable et doit être combattue.

Cela a été le cas à l’occasion d’un récent contentieux initié par une directrice de magasin qui avait instauré un rituel consistant à prélever des bouteilles d’alcool en rayon et à les consommer, sans les avoir réglées, dans les locaux de l’entreprise, en compagnie de salariés triés sur le volet et sur lesquels elle avait toute autorité … tout ceci, en violation tant des stipulations de son contrat de travail, que de celles contenues au règlement intérieur qu’elle était justement chargée d’appliquer et, surtout, de faire respecter.

D’aucun pourraient considérer, comme cela a pu être ostensiblement manifesté par l’un des conseillers prud’homaux (salarié) siégeant le jour où l’affaire a été évoquée, qu’il n’y avait rien de très grave à s’accorder des petits moments de détente entre salariés …

Cela n’a toutefois pas été la position de l’employeur qui a estimé, bien au contraire, notamment pour des considérations de sécurité évidentes (des engins de manutention étant utilisés par les salariés), que les faits étaient suffisamment graves pour justifier un licenciement.

La preuve de ces agissements a pu et dû être établie au moyen des images de « vidéoprotection », dûment retranscrites par un huissier de justice dans un procès-verbal, et ce, en l’absence de « vidéosurveillance » et de témoins des faits, autres que les salariés « complices » eux-mêmes sanctionnés.

Ce mode de preuve est parfaitement recevable selon nous, dès lors que :

  • les conditions relatives à la CNIL et à l’autorisation préfectorale étaient réunies,
  • des affiches avaient été apposées au sein du magasin pour informer le public de l’existence d’un système de vidéoprotection,
  • les salariés en avaient également été informés par une note de service,
  • il n’était pas nécessaire de les informer individuellement de ce que des sanctions pouvaient être prononcées à leur encontre sur la base de ce système, puisque la finalité de celui-ci n’était pas de contrôler leur activité,
  • ce qui justifiait d’ailleurs que les institutions représentatives du personnel n’aient pas été consultées spécifiquement à cet égard.

Sur cette question, il existe très peu de décisions de la Cour de cassation, trois temps pouvant être relevés :

  • l’employeur peut opposer aux salariés les preuves recueillies par les systèmes de surveillance des locaux auxquels ils n’ont pas accès ou dans lesquels ils n’accomplissent pas leur prestation de travail (cass. soc. 31 janv. 2001 n° 98-44.290),
  • dès lors que l’ensemble du personnel a été avisé de la présence de caméras fonctionnant en permanence conformément aux prescriptions réglementaires en la matière (caméras dans un casino répondant à un impératif de sécurité des personnes et des biens), les enregistrements montrant que le barman n’avait pas encaissé de nombreuses consommations constituaient un moyen de preuve licite (Cass. soc. 2 févr. 2011 n° 10-14.263),
    • dès lors que le système vidéo « … [a] été installé pour assurer la sécurité du magasin et n’a pas été utilisé pour contrôler le salarié dans l’exercice de ses fonctions … », le comportement de ce dernier « … qui affectait l’obligation de l’employeur d’assurer la sécurité des clients et de leurs biens … » peut être valablement sanctionné sur la base dudit système (Cass. soc. 26 juin 2013 n° 12-16.564).

En conclusion, si la présence de caméras a pour cause la sécurité des biens et des personnes, dans un établissement ouvert au public, dès lors que les salariés sont informés de ce système, les images vidéo en étant extraites peuvent leur être opposées de manière tout à fait licite.

Les employeurs ne doivent donc pas afficher de réticences à exploiter les images de vidéoprotection pour prouver des faits fautifs qu’ils souhaitent sanctionner.

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