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LA COUR DE CASSATION CENSURE LA PRATIQUE D’UNE URSSAF VISANT A RECONSTITUER EN BRUT DES AVANTAGES VERSES AUX SALARIES

mesures exceptionnelles

Dans une jurisprudence du 24 septembre dernier (Cass. 2ème civ., 24 septembre 2020, n° 19-13.194), la Cour de cassation censure la pratique de certaines URSSAF consistant, dans le cadre d’un contrôle, à reconstituer en brut les sommes et avantages versés aux salariés faisant l’objet d’un redressement avant de calculer les cotisations et contributions de Sécurité Sociale dues.

Qu’est-ce que la reconstitution en brut de l’avantage ou encore sa « rebrutalisation » ?

A l’occasion de contrôles, certaines Urssaf considèrent que les sommes attribuées aux salariés non soumises à cotisations sociales doivent être considérées comme des sommes nettes de charges perçues par les salariés.

Dès lors, elles déterminent l’assiette de redressement, en reconstituant en brut le montant de l’avantage pour lui appliquer, les taux de cotisations patronales et salariales.

La position de la Cour de cassation constitue-t-elle un revirement ?

Cette position apparaît comme un revirement de jurisprudence au regard d’une décision déjà ancienne par l’étendue des avantages concernés.

Dans un arrêt du 16 septembre 2010 (nº09-10.346), la 2ème chambre civile de la Cour de cassation avait en effet, dans des circonstances analogues, validé la position des juges du fond qui après avoir relevé que les avantages avaient été versés aux salariés nets de cotisation sociales, avaient jugé que l’Urssaf avait à bon droit, à partir de cette base nette, reconstitué une base brute afin d’y appliquer les taux de cotisations en vigueur. Il s’agissait en l’espèce de sommes versées par le comité d’entreprise.

Comme dans l’arrêt du 24 septembre 2020, l’employeur considérait que l’Urssaf outrepassait ses pouvoirs et allait au-delà de l’application stricte des articles L.242-1 et L.243-1 du code de la sécurité sociale en réévaluant l’avantage devant être soumis à charge.

Ce nouvel arrêt pourra désormais être opposé aux Urssaf lorsqu’elles retiendront une autre valeur que celle correspondant au versement affiché, à la valeur de l’avantage ou au prix payé par l’entreprise.

Quels sont les avantages généralement concernés ?

Sont tout d’abord visés les cadeaux attribués à l’occasion d’évènements particuliers (départ en retraite, médailles du travail, naissance, mariage, …).

Sont aussi concernées les dettes des salariés ayant quitté l’entreprise : lors de son départ, le solde de tout compte ne permet pas de compenser tout ou partie des sommes dues par le salarié (rares sont les employeurs engageant des actions contentieuses en recouvrement des trop versés).

De façon plus générale, sont concernées toutes les sommes non soumises à charges sociales alors qu’elles auraient dû l’être (frais divers insuffisamment ou non justifiés, avantages en nature sous évalués ou oubliés, sommes injustement qualifiées de dommages et intérêts, …).

Dans cet arrêt du 24 septembre 2020, les sommes dont la « rebrutalisation » était contestée avaient la nature de frais professionnels, de primes diverses, d’acomptes, d’avances, de prêts non récupérés, de rémunérations non déclarées, de cadeaux…

Si pour les avantages en nature, les textes, certaines circulaires ou encore le guide du recouvrement des cotisations sociales et d’allocations familiales publié par l’Acoss se référaient à la valeur réelle de l’avantage pour déterminer l’assiette des cotisations, ce n’était pas le cas pour les avantages en espèce, ce qui rend la décision rendue manifestement novatrice sur ce point précis.

Est-ce que ce revirement de la Cour de cassation s’oppose à l’URSSAF ?

Cet arrêt du 24 septembre 2020 doit être salué pour plusieurs raisons :

  • la rebrutalisation des sommes induit une majoration injustifiée du montant des redressements,
  • la méthode de rebrutalisation est invérifiable pour le cotisant,
  • enfin, cette méthode était utilisée de manière hétérogène par les URSSAF, entraînant une insécurité juridique importante laissée à la seule marge d’appréciation des inspecteurs de l’URSSAF.

Pour autant, les termes mêmes de la décision de la Cour de cassation laissent entrevoir les difficultés auxquelles pourraient, le cas échéant, être confrontées les entreprises après coup.

En constatant que « la société n’avait pas procédé au précompte des cotisations, que la réintégration des avantages devait intervenir pour leur montant brut », elle ne fait que tirer les conséquences de l’absence d’intégration des sommes dans l’assiette des charges sociales.

Certes, le montant soumis n’a pas à être « rebrutalisé » donc majoré, pour autant, quelle sera la position de l’Urssaf si elle constate que le salarié concerné n’a pas payé les charges salariales qu’il aurait dû assumer ?

Doit-on considérer que l’entreprise ayant « oublié » de soumettre à charges doit assumer tant la part patronale que la part salariale des cotisations, auxquelles s’ajouteront les majorations de retard (c’est généralement ce qu’elle fait) ? Ou reviendra-t-on aux discussions d’avant visant lors d’un futur contrôle, à calculer des charges sociales patronales et salariales sur l’avantage accordé au salarié en ne lui demandant pas de s’acquitter de sa quote part de cotisations ?

En effet, la jurisprudence admet que la prise en charge par l’employeur de cotisations dues par le salarié doit être soumise à cotisations (par exemple, Cass. Soc. 4 avril 1996, n° 94-15.497, inédit ; Cass. Soc. 18 mars 1999, n° 97-19.231, inédit).

Nous pouvons espérer que la probabilité que la Cour d’appel de renvoi suive la position de l’URSSAF refroidisse les URSSAF à maintenir une pratique contestable.

Arrêt du 24 septembre 2020

https://www.courdecassation.fr/jurisprudence_2/deuxieme_chambre_civile_570/776_24_45502.html

 

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