La loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a été publiée au Journal officiel du 6 septembre 2018.
Parmi les dispositions, qui concernent majoritairement la formation professionnelle, figure un chapitre sur des « Mesures relatives au détachement des travailleurs et à la lutte contre le travail illégal » (articles 89 à 103).
Certaines de ces mesures nécessiteront, pour une application effective, la parution de décrets et d’un arrêté d’application.
- Les mesures directement applicables
En premier lieu, la définition de « salarié détaché » applicable en droit du travail, est précisée pour s’assurer que le salarié détaché exerce effectivement une activité « habituellement » dans son pays d’origine et n’a pas été embauché uniquement pour travailler en France.
Le Code du travail prévoit ainsi dorénavant qu’ « est un salarié détaché […] tout salarié d’un employeur régulièrement établi et exerçant son activité hors de France et qui, travaillant habituellement pour le compte de celui-ci hors du territoire national, exécute son travail à la demande de cet employeur pendant une durée limitée sur le territoire national […] ».
Par ailleurs, certaines formalités sont allégées.
En effet, en principe, quelle que soit la durée de détachement, l’employeur du salarié détaché en France doit établir une déclaration préalable de détachement auprès de l’administration du travail comportant la désignation d’un représentant en France susceptible, notamment, de répondre à l’administration en cas de contrôle.
La Loi Avenir prévoit que cette obligation de déclaration préalable de détachement ainsi que l’obligation de désigner un représentant ne s’imposeront plus dans une des situations de détachement visée par le code du travail : le détachement « pour compte propre ».
Ainsi, les salariés étrangers amenés à réaliser par exemple des opérations de promotion ou de prospection de marchés, à suivre des formations ou à se rendre à des réunions… sans que ces activités soient exercées dans le cadre d’une prestation de services, n’auront plus à être déclarés auprès de la DIRECCTE.
Cet allégement ne concerne pas les démarches liées à l’immigration (visa ou autorisation de travail) éventuellement applicables en fonction du pays d’origine.
Est également supprimée définitivement la contribution forfaitaire qui, de fait, n’avait jamais été appliquée (fixée initialement à 40 € par salarié pour « couvrir les coûts du détachement », les textes réglementaires la régissant avaient déjà été abrogés en février dernier).
Enfin, certaines sanctions sont alourdies.
La loi porte de 2.000 € à 4.000 € le plafond de l’amende, par salarié détaché et par manquement, en cas de méconnaissance des formalités ou de la réglementation du travail applicable aux salariés détachés (8.000 € en cas de récidive constatée non plus dans l’année, mais dans les deux ans).
Les moyens de contrôle sont renforcés également :
- les donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage doivent désormais vérifier, outre le respect des formalités de détachement par leur cocontractant, que ce dernier s’est bien acquitté du paiement de ses éventuelles amendes administratives,
- les agents de contrôle peuvent enjoindre les entreprises de payer les amendes administratives,
- l’Inspection du travail a désormais la possibilité d’interdire l’activité de l’employeur étranger avant même le début de son activité, dès la réception de la déclaration de détachement.
- Les mesures dont l’entrée en vigueur est différée, dans l’attente de décrets ou d’un arrêté
Sur demande de l’employeur de salariés détachés en France de façon récurrente (ou sur demande d’un organisme mandaté), l’administration pourra accepter d’aménager les formalités de détachement applicables.
Ces aménagements, dont la nature doit être précisée par décret, seront accordés pour une période d’une année, renouvelable sur demande.
Ces aménagements ne pourront pas remettre en cause l’obligation de garantir le respect du « noyau dur » des droits des salariés détachés (libertés individuelles et collectives, droit de grève, non-discrimination, protection de la maternité, salaire minimum, durée maximale de travail, droit au repos et aux congés payés, hygiène et sécurité, conditions d’hébergement).
Enfin, en cas de détachement pour des opérations de courte durée ou dans le cadre d’évènements ponctuels d’un ou plusieurs salariés exerçant une des activités figurant sur une liste fixée par arrêté, à paraître, l’obligation de déclaration préalable de détachement et de désignation d’un représentant est supprimée.
Lors de la présentation du projet de loi, certaines activités avaient été évoquées (activités artistiques, sportives, foires, salons, colloques).
Il sera intéressant de voir si les activités retenues sont les mêmes que celles pour lesquelles existent une dérogation à l’obtention d’une autorisation de travail ou du visa en application de l’article D. 5221-2-1 du code du travail.4
Ces nouvelles dispositions interviennent dans un contexte normatif déjà complexe dans la mesure où le statut des salariés détachés en Europe, fixé initialement par la Directive 96/71 du 16 décembre 1996 modifiée en 2014, a fait l’objet d’une révision importante dans le cadre d’une directive du 28 juin dernier.
Cette dernière prévoit notamment deux mesures importantes : la limitation de la durée de détachement à 12 mois avec une possibilité de prolongation de 6 mois (au-delà, le salarié détaché bénéficiera non plus du « noyau dur » précité mais, à quelques exceptions près, des conditions de travail et d’emploi applicables aux salariés de l’Etat d’accueil) et l’application du principe d’égalité de traitement (rémunération minimale des salariés détachés équivalente à celle qui est versée aux salariés de l’Etat d’accueil).
Cette directive doit, en principe, être transposée dans les droits nationaux avant le 30 juillet 2020.