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Inaptitude non professionnelle : le refus du salarié de la proposition de reclassement conforme aux préconisations du médecin du travail justifie le licenciement

La Cour de cassation se prononce pour la première fois sur la présomption issue de la loi du 8 août 2016 concernant l’obligation de reclassement de l’employeur en cas d’inaptitude du salarié.

Les faits : une proposition de reclassement conforme aux prescriptions du médecin du travail mais impliquant une modification de contrat

Une salariée est en arrêt maladie continu depuis le 15 mars 2016.

Lors de la visite de reprise, le 4 janvier 2019, le médecin du travail déclare la salariée inapte à son poste de travail et à tout poste à temps complet, et recommande la possibilité d’un poste à mi-temps sans station debout prolongée ni manutention manuelle de charges.

Après avis du CSE, l’employeur fait une proposition de reclassement, conforme aux prescriptions du médecin du travail mais impliquant une baisse de rémunération.

La salariée la refuse.

Elle est licenciée pour inaptitude le 14 mai 2019.

Elle saisit la juridiction prud’homale pour contester son licenciement.

La position de la Cour d’appel : le refus de la salariée est légitime et le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse

La Cour d’appel avait jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que le poste de reclassement proposé entraînait une diminution substantielle de la rémunération de la salariée et que le refus opposé par la salariée était en conséquence légitime.

Ce faisant, la Cour d’appel faisait application de la jurisprudence rendue avant que le code du travail ne soit modifié en 2016.

Selon cette jurisprudence, le refus par le salarié d’un poste proposé par l’employeur au titre de son obligation de reclassement n’impliquait pas à lui seul le respect par celui-ci de cette obligation.

Il appartenait alors à l’employeur de tirer les conséquences du refus du salarié soit en formulant de nouvelles propositions de reclassement soit en procédant au licenciement au motif de l’impossibilité du reclassement (qui restait à prouver au contentieux).

La décision de la cassation : cassation compte tenu de la rédaction de l’article L. 1226-2-1 en vigueur depuis le 1erjanvier 2017

La Chambre sociale censure l’arrêt d’appel, au visa des articles L 1226-2 et L 1226-2-1 du Code du travail :

« En statuant ainsi, alors qu’il ressortait de ses constatations que l’employeur avait proposé à la salariée un poste conforme aux préconisations du médecin du travail et que celle-ci l’avait refusé, la cour d’appel a violé les textes susvisés. »

C’est la première fois que la Cour se prononce sur la portée de l’article L.1226-2-1 du code du travail issu de la loi de 2016.

Le second alinéa de cet article dispose :

«L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l’avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. »

La loi a ainsi instauré une présomption de respect de l’obligation de reclassement « lorsque l’employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l’article L.1226-2, en prenant en compte l’avis et les indications du médecin du travail. »

La Cour de cassation décide ainsi, logiquement, que la légitimité du refus du salarié n’est pas à prendre en considération pour savoir si l’employeur a ou non satisfait son obligation de reclassement.

L’arrêt ne permet pas de répondre à la question de savoir si l’employeur peut, avant le licenciement, se contenter d’une seule offre de reclassement conforme aux préconisations alors que plusieurs seraient possibles.

La question reste débattue en doctrine : à la lettre, l’alinéa 2 de l’article L 1226-2-1 semble le permettre (cf. «L’employeur ne peut rompre le contrat de travail que s’il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l’article L 1226-2, soit du refus par le salarié de l’emploi proposé dans ces conditions…»

L’interrogation résulte de l’alinéa 1er de cet article, lequel dispose « Lorsqu’il est impossible à l’employeur de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s’opposent à son reclassement. »

Quoi qu’il en soit, la recherche et la proposition de reclassement doivent rester sérieuses et loyales : si tel n’est pas le cas, la présomption ne jouera pas.

Cass. Soc. 13 mars 2024, n° 22-18.758

https://www.courdecassation.fr/decision/65f1500628057200093c3e8b

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