L’entretien préalable à un éventuel licenciement, qui a un caractère obligatoire, permet à l’employeur d’indiquer les motifs de la décision envisagée et au salarié de faire valoir ses explications (art. L.1232-3 du Code du travail).
Aucune disposition légale n’impose une rencontre physique entre l’employeur et le salarié même si on peut déduire de l’article R. 1232-1 du Code du travail, la nécessité d’une rencontre physique puisque la lettre de convocation à l’entretien préalable doit préciser « le lieu de cet entretien ».
Pour autant, face à l’essor des moyens de télécommunication en entreprise et surtout dans le contexte sanitaire du Covid-19, la question de la tenue de l’entretien en visioconférence se pose de façon pertinente.
En la matière, les juges du fond ont adopté des positions discordantes.
Si la cour d’appel de Rennes, dans un arrêt du 11 mai 2016, a considéré que l’employeur n’avait commis aucun manquement en acceptant de mener l’entretien préalable par visioconférence, plus nombreuses sont les décisions s’opposant à un tel procédé notamment en l’absence d’accord de la part du salarié (CAA Bordeaux, 18 décembre 2017, n°16BX00818 et, bien plus récemment, CA Grenoble, 7 janvier 2020, n°17/02442).
De même, dans une décision du 4 juin 2020, la cour d’appel de Versailles considère que « s’il est de principe que l’entretien se tienne en présence physique des parties, les circonstances de l’espèce […] expliquent la décision de l’employeur de recourir à un entretien à distance via une téléconférence ».
Ainsi, pour la Cour d’appel, l’éloignement géographique de chacun des participants, du fait notamment du statut d’expatriée de la salariée à Dubaï dont le licenciement était envisagé, justifiait qu’il soit fait exception à la règle de la rencontre physique entre l’employeur et le salarié.
Ces circonstances ne sont toutefois pas suffisantes.
Encore faut-il que les droits de la défense du salarié soient préservés, ce qui était le cas en l’espèce.
Il ressortait, en effet, du compte rendu de l’entretien préalable que celui-ci avait duré une heure, que l’employeur et la personne assistant la salariée s’étaient exprimés, la salariée ayant indiqué « qu’elle ne souhaitait pas intervenir ».
En conséquence, la tenue de l’entretien préalable par téléconférence n’avait aucunement été préjudiciable à la salariée.
La décision rendue par la cour d’appel de Versailles conduit inévitablement à s’interroger sur la régularité de l’organisation de l’entretien préalable à distance dans le contexte de la crise sanitaire.
En effet, les confinements imposés dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire, ainsi que le recours massif au télétravail, ont contraint un grand nombre d’employeurs à organiser la tenue d’entretien préalable à distance.
Dans une note non publiée, la Direction générale du travail (DGT) avait admis, sous certaines conditions, le recours à la visioconférence pendant la période qui s’est écoulée entre le 12 mars et le 10 mai 2020.
Ouvrant la voie à l’organisation de l’entretien préalable à distance en cas de circonstances particulières dues à l’éloignement géographique des participants, la décision de la cour d’appel de Versailles confirme, à notre sens, la régularité de ce procédé lors de la période de crise sanitaire.
Cela étant et malgré la position administrative et l’arrêt de la cour d’appel de Versailles, tant que la Cour de cassation ne se sera pas prononcée sur le sujet, la prudence doit rester de mise en matière d’entretien préalable à distance.
Outre le fait que cette option ne doit être envisagée que dans des circonstances exceptionnelles, il est recommandé de :
- privilégier l’utilisation de la visioconférence à l’entretien téléphonique, ce procédé permettant de s’assurer de l’identité des interlocuteurs participant à l’entretien préalable,
- s’assurer que les moyens techniques à disposition des participants, c’est-à-dire de l’employeur, du salarié, mais également de la personne qui est susceptible de l’assister, leur permettent effectivement d’accéder à la visioconférence et de s’exprimer,
- garantir la confidentialité des échanges,
- solliciter l’accord du salarié ou, à tout le moins, s’assurer qu’il ne s’oppose pas à cette modalité.
Une position claire de la Cour de cassation sera naturellement utile pour sécuriser définitivement la tenue de l’entretien préalable en visioconférence.