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QPC : les salariés en convention de forfait jours réduit doivent bénéficier du dispositif de retraite progressive

retraite progressive

Le Conseil Constitutionnel était saisi le 27 novembre 2020 d’une Question Prioritaire de Constitutionnalité (QPC) portant sur la conformité à la constitution des dispositions de l’article L351-15 du Code de la Sécurité Sociale qui réserve le bénéfice du dispositif de pré-retraite progressive aux salariés qui exercent une activité à temps partiel au sens de l’article L 3123-1 du Code du travail, c’est-à-dire aux salariés dont la durée du travail est inférieure à la durée légale ou conventionnelle de travail.

En effet, par deux décisions du 3 novembre 2016 (nos 15-26.275 et 15-26.276), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a considéré que le dispositif de retraite progressive ne peut s’appliquer qu’aux salariés dont la durée d’activité à temps partiel est décomptée en heures.

Il est donc reproché à ces décisions de faire obstacle à ce que les salariés ayant conclu une convention de forfait en jours réduit (inférieur à 218 jours par an) puissent bénéficier de ce dispositif de retraite progressive et de contraindre en conséquence à une rupture d’égalité devant la loi sans rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

Il était également avancé par la requérante que ces dispositions créaient une discrimination indirecte puisque les salariés qui concluent des conventions de forfait réduit sont majoritairement des femmes.

Le dispositif de retraite progressive a été institué par la loi relative à la sécurité sociale du 5 janvier 1988 destinée à aménager au travailleur senior une période transitoire qui lui permet de bénéficier d’une fraction de sa pension de retraite tout en continuant à exercer une activité professionnelle réduite.

L’objet de ce dispositif est donc d’encourager le maintien des salariés âgés – et expérimentés – dans l’emploi.

Le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose pas à ce que le législateur déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général, pourvu que la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit.

Les Sages devaient donc établir le rapport – ou non – avec l’objet de la loi de la différence de traitement entre un salarié dont la réduction de l’activité professionnelle est exprimée en heures et les salariés qui exercent une activité également réduite mais mesurée en jours.

Le Conseil constitutionnel juge que ces salariés sont certes dans une situation différente mais, « en instaurant la retraite progressive, le législateur a entendu permettre aux travailleurs exerçant une activité réduite de bénéficier d’une fraction de leur pension de retraite en vue d’organiser la cessation graduelle de leur activité.

Or un salarié ayant conclu avec son employeur une convention de forfait annuelle en jours fixant un nombre de jours travaillés inférieur au plafond légal ou conventionnel exerce, par rapport à cette durée maximale, une activité réduite.

Dès lors, en privant ce salarié de toute possibilité d’accès à la retraite progressive, quel que soit le nombre de jours travaillés dans l’année, le législateur a institué une différence de traitement sans rapport avec l’objet de la loi ».

Dès lors, les mots « qui exerce une activité à temps partiel au sens de l’article L. 3123-1 du code du travail » figurant au premier alinéa de l’article L. 351-15 du code de la sécurité sociale sont contraires à la Constitution.

Les effets de cette déclaration d’inconstitutionnalité sont toutefois reportés au 1er janvier 2022 dans la mesure où l’abrogation immédiate aurait en effet pour conséquence de priver les salariés à temps partiel du bénéfice de la retraite progressive.

Il convient de préciser que le projet de loi instituant un système universel de retraite, déposé le 24 janvier 2020 à l’Assemblée nationale, prévoit d’étendre le dispositif de retraite progressive aux travailleurs indépendants ainsi qu’aux salariés ayant conclu un forfait jours.

Encore faut-il qu’il soit adopté définitivement et publié avant le 1er janvier 2022.

Il convient de rappeler en effet que le report de l’abrogation ne fait pas obstacle à ce que la responsabilité de l’État puisse être engagée du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles.

Cette décision doit aussi conduire à notre sens le législateur à :

–       adapter des textes en plusieurs domaines,

–       et à clarifier des situations plus complexes.

Même si déjà certains textes ou certaines dispositions ont pris en considération les salariés en forfait en jours réduit tels que :

La prestation partagée d’éducation de l’enfant

La Cour de cassation a en effet ouvert aux salariés employés en forfait en jours à temps réduit le bénéfice de l’allocation parentale d’éducation prévue pour les salariés à temps partiel (cass. civ., 2e ch., 20 septembre 2005, n° 04-30354, BC II n° 229).

Les heures de délégation

En effet, sauf accord collectif contraire, le crédit d’heures est regroupé pour ces salariés signataires d’une convention de forfait en jours en demi-journées, qui viennent en déduction du nombre annuel de jours travaillés fixé dans la convention individuelle du salarié.

Une demi-journée correspond à quatre heures de mandat.

Lorsque le crédit d’heures ou la fraction du crédit d’heures restant est inférieur à quatre heures, les représentants du personnel disposent à titre de reliquat annuel d’une demi-journée, qui vient en déduction du nombre annuel de jours travaillés fixé dans la convention individuelle du salarié.

L’activité partielle

Avant mars 2020, les salariés employés sous conventions de forfait en jours sur l’année ne pouvaient pas bénéficier d’une indemnisation au titre de l’activité partielle en cas de réduction de la durée du travail de l’établissement qui les emploie.

Ils pouvaient y prétendre seulement en cas de fermeture totale de l’établissement qui les emploie, dès la première demi-journée d’inactivité.

Cette restriction a été supprimée avec la crise Covid-19, ce qui permet à ces salariés d’accéder à l’activité partielle dans les mêmes conditions que les autres salariés.

En effet, depuis le décret 2020-325 du 25 mars 2020, les salariés en forfait jours bénéficient de l’activité partielle en cas de réduction d’horaires, l’indemnité et l’allocation étant déterminées en tenant compte du nombre de jours ou demi-journées ouvrés non travaillés par le salarié au titre de la période concernée, convertis en heures.

Le remboursement par l’État pour ces salariés prend la forme d’une allocation journalière, plafonnée à 7 h par jour ou 3 h 30 par demi-journée.

En effet, pour ces salariés, la durée prise en compte est celle correspondant aux jours de réduction de l’horaire de travail pratiquée dans l’établissement, à due proportion de cette réduction (c. trav. art. R. 5122-19).

L’abattement de cotisations sociales pour les salariés à temps partiel

A compter du 1er avril 2021, l’administration indique que le plafond applicable aux salariés soumis à un régime de forfait annuel en jours dont la durée est inférieure à 218 jours sur l’année peut être réduit dans les mêmes conditions que pour les salariés à temps partiel (Bulletin officiel de la sécurité sociale, principes, Assiette générale, Chapitre 6 Le plafond de la sécurité sociale, section 2 détermination de l’assiette plafonnée).

La formule applicable est alors la suivante : valeur mensuelle du plafond × (durée du forfait en jours / 218 jours).

Demeurent des situations qui méritent encore d’être clarifiées, telles que :

Le calcul des effectifs

La position de l’administration, cohérente avec le fait de ne pas considérer le signataire d’une convention de forfait en jours à temps réduit comme un salarié à temps partiel est de comptabiliser intégralement un tel salarié en forfait en jours dans les effectifs (circ. DRT 2000/07 du 6 décembre 2000).

Cette position a été confortée par le juge, lequel a précisé que pour déterminer si une entreprise atteint un seuil d’effectif auquel sont conditionnées certaines taxes ou contributions, les salariés dont le contrat de travail ne mentionne pas la durée hebdomadaire ou mensuelle doivent être comptés dans l’effectif pour une unité (cass. civ., 2e ch., 30 mai 2013, n° 12-19741, BC II n° 102).

Le temps partiel thérapeutique

La reprise de travail à temps partiel pour motif thérapeutique est prescrite par le médecin traitant lorsqu’il estime que son patient ne peut pas reprendre une activité à temps plein, mais qu’il juge que la reprise d’une activité peut contribuer à son rétablissement.

Lorsque plusieurs conditions sont réunies, en complément du salaire versé par l’employeur, la Caisse primaire d’assurance maladie verse une indemnisation sous la forme d’indemnités journalières.

Les modalités de calcul de l’indemnité journalière versée en cas de travail à temps partiel pour motif thérapeutique ainsi que sa durée de versement sont déterminées par un décret (c. séc. soc. art. L. 323-3), qui précise que le montant de l’indemnité journalière ne peut être supérieur à la perte de gain journalière liée à la réduction de l’activité résultant du travail à temps partiel pour motif thérapeutique (c. séc. soc. art. R. 323-3).

Rien n’est spécifiquement prévu pour les salariés signataires d’une convention de forfaits en jours à temps réduit.

Il serait souhaitable de clarifier le point pour les forfaits en jours réduit.

L’accès prioritaire à un emploi à temps complet

Les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi d’une durée au moins égale à la durée minimale applicable ou à temps complet, et inversement les salariés à temps complet qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi à temps partiel, dans le même établissement ou, à défaut dans la même entreprise, ont priorité pour l’attribution d’un emploi ressortissant de leur catégorie professionnelle ou d’un emploi équivalent ou dans certains cas d’un emploi présentant des caractéristiques différentes (c. trav. art. L. 3122-3).

Ces dispositions ne sont aujourd’hui pas applicables pour les salariés employés en forfaits en jours.

Différents congés organisés par le code du travail où est visée la situation des salariés à temps partiel, tels que :
  • le congé pour création d’entreprise,
  • le congé de solidarité familiale,
  • le congé de proche aidant,
  • le congé de présence parentale pour un salarié dont l’enfant à charge est atteint d’un handicap ou est victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensable une présence soutenue et des soins contraignants peut aussi être pris à temps partiel (c. trav. art. L. 1225-62), avec le bénéfice d’une allocation journalière de présence parentale (c. séc. soc. art. L. 544-1).

Des dispositions spécifiques aux salariés employés dans le cadre d’une convention de forfaits en jours ne sont prévues pour aucun de ces congés.

Il en résulte que la seule solution à ce jour consiste à proposer un avenant à ces salariés pour les sortir du mécanisme du forfait en jours et leur proposer un contrat de travail à temps partiel.

Il apparaîtrait pertinent de modifier l’ensemble de ces textes pour prendre en considération la décision du Conseil constitutionnel et permettre l’accès de ces congés aux salariés signataires de conventions de forfaits avant que le juge ne statue probablement dans le même sens.

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