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DIFFAMATION SUR INTERNET ET CHANGEMENT D’ONGLET : nouvelle publication

Par un arrêt du 10 avril 2018[i], la Cour de cassation a étendu la notion de « nouvelle publication » au déplacement d’un contenu sur un même site Internet.

Cette jurisprudence est rendue dans le cadre du point de départ du délai de prescription des délits de presse.

L’article 65 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse[ii] dispose que toute action ayant pour origine la publication d’un texte sur un médium physique (journal) ou numérique (site Internet) doit être engagée dans les trois mois suivant la publication initiale de l’écrit incriminé.

La question qui était posée à la Cour de cassation portait sur la qualification de « nouvelle publication » à un texte ayant fait l’objet d’un déplacement sur un site Internet, toute « nouvelle publication » étant considérée comme une publication initiale faisant courir le délai d’action de trois mois.

En l’espèce, un texte concernant l’éditeur d’une revue a été rédigé sur le site Wikipedia et publié dans l’onglet « historique ».

Par la suite, son auteur a déplacé le texte de l’onglet « historique » vers l’onglet « article », sans pour autant modifier ledit texte.

L’éditeur de revue, estimant subir une diffamation par la publication du texte, a engagé une action plus de trois mois suivant la publication du texte dans l’onglet « historique », mais moins de trois mois après le déplacement du texte dans l’onglet « article ».

Dans le premier cas, l’éditeur est prescrit et ne pourra voir son action aboutir.

Dans le second cas, l’action en diffamation peut être engagée.

En première instance comme en appel, les magistrats ont considéré que le déplacement ne constituait pas une nouvelle publication et ont donc jugé l’action prescrite.

La Cour de cassation casse l’arrêt, en considérant que le seul déplacement d’un texte, au sein d’un même site Internet, constitue une nouvelle publication faisant courir le délai de prescription.

Cette décision est la suite d’un mouvement d’élargissement de la notion de « nouvelle publication » par la Cour de cassation.

Dans un premier temps, par un arrêt du 2 novembre 2016 [iii], la Cour de cassation a considéré que « l’insertion, sur internet, par l’auteur d’un écrit, d’un lien hypertexte renvoyant directement audit écrit, précédemment publié, caractérise une (…) reproduction ».

En d’autres termes, le renvoi par un lien hypertexte constitue une nouvelle publication et fait donc à nouveau courir le délai de prescription en matière de délits de presse.

Dans un second temps, le 7 février 2017[iv], les magistrats avaient considéré « qu’une nouvelle mise à disposition du public, d’un contenu précédemment mis en ligne sur un site internet dont le titulaire a volontairement réactivé ledit site sur le réseau internet, après l’avoir désactivé, constitue une (…) reproduction ».

Dans cette affaire, la Cour considère que, lorsqu’un site Internet est réactivé, l’ensemble de son contenu doit être considéré comme une nouvelle publication, bien que les contenus soient identiques.

Dans les deux instances énoncées ci-dessus, la Cour de cassation évoque seulement une « reproduction » du contenu litigieux.

Par cet arrêt du 10 avril 2018, la Cour de cassation opère un glissement de la notion de « reproduction » à celle de « contenu nouveau » en considérant que « toute reproduction, dans un écrit rendu public, d’un texte déjà publié, est constitutive d’une publication nouvelle dudit texte ».

La Cour adopte une vision plus opérationnelle de la publication d’un contenu sur Internet, en s’éloignant du caractère novateur du contenu, pour considérer le caractère novateur du support de publication, en allant jusqu’à considérer que deux onglets d’un site Internet constituent deux supports différents.

En résumé, vous devez considérer que vous procédez à une nouvelle publication dans les cas suivants :

  1. Pour tout écrit auquel vous renvoyez par l’intermédiaire d’un lien hypertexte ;
  2. Lorsque vous réactivez un site Internet, concernant l’ensemble de son contenu ;
  3. Lorsque vous déplacez un contenu au sein d’un même site Internet (changement d’onglet).

La nouvelle publication faisant courir un nouveau délai de prescription de trois mois d’une action en délit de presse (dont la diffamation), vous vous exposez donc à ce qu’une personne, qui n’a pas pu initialement réagir dans le délai susmentionné, profite de cette situation en portant plainte.

Vous devez donc porter une attention particulière au déplacement des contenus de votre site Internet, ainsi qu’à la manière dont vous citez des publications antérieures.

Il est de rigueur de préciser que, si une action a déjà été portée devant les tribunaux concernant un contenu précis et que les magistrats n’ont pas jugé ledit contenu délictuel, la nouvelle publication, à l’identique, ne saurait faire l’objet d’une nouvelle action, du fait de l’autorité de la chose jugée attachée au jugement initial.

[i] https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000036829496&fastReqId=898702787&fastPos=1

[ii] https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexteArticle.do;?idArticle=LEGIARTI000006419866&cidTexte=LEGITEXT000006070722

[iii] https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?idTexte=JURITEXT000033345248

[iv] https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?&idTexte=JURITEXT000034038323

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