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Quand et comment l’employeur peut-il procéder à des retenues sur salaire ?

Dans de nombreuses situations, l’employeur peut être tenté de procéder à des retenues sur salaire : soit parce qu’il souhaite sanctionner ou obtenir réparation d’agissements de son salarié, soit parce que ce dernier est débiteur d’une somme d’argent à son égard (participation financière aux tickets-restaurants fournis par l’entreprise, remboursement d’un prêt, d’une avance ou d’un acompte, trop-perçu de rémunération…).

Le salaire, en raison de son caractère alimentaire, ne peut pourtant subir de retenue que dans certains cas et limites édictés par la loi.

A défaut, l’employeur s’expose, le cas échéant, au remboursement des sommes, au prononcé de la rupture du contrat de travail à ses torts ainsi qu’à la condamnation au paiement d’amendes.

Avant de procéder, l’employeur doit donc savoir s’il se trouve dans une situation qui l’autorise à procéder à une retenue sur salaire et si tel est le cas, comment il peut la réaliser.

Quand l’employeur peut-il procéder à une retenue sur salaire ?

Le principe posé par le Code du travail est l’interdiction générale et absolue pour l’employeur de prononcer des sanctions pécuniaires à l’encontre de ses salariés.

En revanche, il est libre de déduire du salaire versé le montant des dettes du salarié, selon des modalités de compensation prévues par la loi.

La loi et la jurisprudence interdisent toutefois à l’employeur de procéder à des retenues à titre de compensation :

  • D’un préjudice causé par le salarié dans l’exercice de ses fonctions ;
  • De dettes du salarié indépendantes du contrat de travail ;
  • De dettes du salarié liées à des fournitures diverses ;
  • De dettes de salariés travaillant dans des secteurs spécifiques d’activité.

L’employeur ne peut procéder à des retenues de salaire à titre de sanction.

La principale limite apportée par le Code du travail aux possibilités de retenue sur salaire est celle de l’interdiction des amendes ou autres sanctions pécuniaires. (Article L.1331-2 du Code du travail)

Il ne peut être dérogé à ce principe d’ordre public ni par une clause du contrat de travail ni par celle d’un accord collectif ou encore d’un règlement intérieur.

La règle vaut aussi bien pour le salaire de base que pour les accessoires du salaire, comme les primes ou les avantages en nature.

Toute infraction à ce principe est passible d’une amende de 3.750 € maximum pour les personnes physiques et de 18.750 € pour les personnes morales.

L’employeur n’est donc pas fondé à procéder à des retenues sur salaire en raison, par exemple, d’une mauvaise exécution par le salarié de ses obligations contractuelles.

En revanche, ne constitue pas une sanction pécuniaire prohibée la réduction du salaire strictement proportionnelle à la durée d’une absence du salarié, de sa mise à pied disciplinaire, ou de sa mise à pied conservatoire à l’issue de laquelle est prononcée un licenciement pour faute grave ou lourde.

Dans ces cas, la retenue sur le salaire ne constitue pas une sanction ou une compensation prohibée d’une dette mais la simple conséquence de la non-exécution de la prestation de travail par le salarié.

L’employeur peut valablement retenir du salaire versé les sommes qui lui sont dues par le salarié.

La jurisprudence a admis la licéité des retenues sur salaire effectuées par l’employeur, lorsque le salarié est débiteur d’une somme d’argent envers lui dans les conditions énoncées par le Code civil, et que cela n’est pas interdit par le Code du travail.

Dans cette situation, la retenue opérée par l’employeur relève de la compensation, mécanisme prévu par le Code civil et par lequel s’éteignent deux dettes réciproques.

Le Code civil exige, pour que deux dettes se compensent, qu’elles soient fongibles (c’est à dire ayant pour objet une somme d’argent), certaines (dont l’existence n’est pas contestée), liquides (déterminées dans leur montant) et exigibles (arrivées à échéance).

A titre d’exemple, il a été jugé que l’employeur peut valablement déduire des sommes qu’il verse :

  • Le trop-perçu par un salarié, constaté lors de la régularisation du lissage de la rémunération dans le cadre d’une annualisation du temps de travail.
  • Le trop-perçu de maintien de salaire dont a bénéficié un salarié pendant un congé maladie.
  • La participation financière du salarié à l’acquisition des tickets-restaurants [Cass. soc. 1er mars 2017 n°15-18.333].
  • Les sommes dues à l’employeur par le salarié en application d’une clause de dédit-formation
  • Le montant des cotisations salariales payées par l’employeur pour le compte du salarié à la suite d’un redressement URSSAF.
  • Les sommes indûment payées au titre du maintien de la rémunération pendant la prise de repos compensateurs de remplacement.
  • Les sommes versées en exécution d’une transaction qui s’est, ultérieurement, avérée nulle.

Le Code du travail restreint toutefois considérablement les possibilités d’application de ce mécanisme de compensation sur les sommes ayant la nature de salaire. 

  • L’employeur ne peut pas déduire du salaire le montant correspondant au préjudice causé par le salarié dans l’exercice de ses fonctions.

L’employeur ne peut pas déduire des sommes correspondant à la réparation d’un dommage causé par le salarié dans l’exécution de son contrat de travail.

Ainsi, par exemple, l’employeur n’est pas fondé à retenir le montant des recettes perdues en raison de la négligence du salarié qui les a laissées dans son véhicule personnel, où elles ont été volées.

Seule une faute lourde, c’est à dire celle commise dans l’intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise, permet à l’employeur d’engager la responsabilité civile du salarié.

Toutefois, même dans ce cas, le principe de prohibition des sanctions pécuniaires fait à notre sens obstacle à ce que l’employeur procède, de lui-même, à une retenue sur salaire.

En pareille hypothèse, il est préférable que l’employeur engage la responsabilité du salarié en saisissant le Conseil de prud’hommes.

  • L’employeur ne peut pas retenir des dettes du salarié indépendantes du contrat de travail.

Lorsque les dettes du salarié ont une origine distincte du contrat de travail ou trop éloignées de sa qualité de salarié, l’employeur ne peut pas les déduire de son salaire.

Il a ainsi notamment été jugé que :

  • l’employeur ne pouvait pas déduire du salaire versé les sommes dues par le salarié au titre de l’occupation d’un logement qui n’était pas un accessoire du contrat de travail,
  • l’employeur, société bancaire, ne pouvait pas déduire du salaire le solde négatif du compte de son salarié, dans la mesure où il possédait cette créance non pas en sa qualité d’employeur mais en sa qualité de banquier.

L’employeur doit donc s’assurer que la dette du salarié possède un lien suffisamment fort avec le contrat et la relation de travail, ce qui s’apprécie au cas par cas.

A défaut, l’employeur doit recouvrir les sommes dues par des voies d’exécution de droit commun.

  • L’employeur ne peut retenir des dettes du salarié liées à des fournitures diverses.

L’article L.3251-1 du Code du travail énonce que « l’employeur ne peut opérer une retenue de salaire pour compenser des sommes qui lui seraient dues par un salarié pour fournitures diverses, quelle qu’en soit la nature ».

A ainsi été jugée illégale, sur ce fondement, la retenue sur salaire pour le remboursement des contraventions afférentes à un véhicule professionnel mis au service du salarié, fût-elle prévue par le contrat de travail.

La notion de « fournitures diverses » n’est pas clairement définie par le Code du travail, qui au contraire laisse, par la mention « quelle qu’en soit la nature », volontairement le champ d’application de cet article le plus large possible.

 Il est en revanche prévu, par exception, que l’employeur peut procéder à des retenues sur salaire en raison de dettes du salarié dans les cas de fournitures suivants :

  • Outils et instruments nécessaires au travail ;
  • Matières ou matériaux dont le salarié a la charge et l’usage ;
  • Sommes avancées pour l’acquisition de ces mêmes objets.

Une retenue peut donc être pratiquée, par exemple, sur la rémunération du salarié qui a perdu le groupe électrogène que son employeur lui avait fourni pour son travail.

Cette possibilité a toutefois été sévèrement restreinte en 2005 par la jurisprudence, qui exige pour l’application d’une de ces trois exceptions de démontrer la faute lourde du salarié dont la responsabilité pécuniaire est recherchée.

Ainsi, en l’absence de faute lourde, l’employeur ne peut pas déduire du salaire le coût de renouvellement d’un badge nécessaire au travail que le salarié avait détérioré.

  • L’employeur ne peut procéder à des retenues dans certains secteurs d’activités spécifiques.

Il est interdit à l’employeur d’imposer aux salariés des versements d’argent ou d’opérer des retenues d’argent sous la dénomination de frais ou sous toute autre dénomination pour quelque objet que ce soit, à l’occasion de l’exercice normal de leur travail dans les secteurs suivants :

  • Hôtels, cafés, restaurants et établissements similaires ;
  • Entreprises de spectacle, cercles et casinos ;
  • Entreprises de transport.

Ainsi, un employeur ne peut pas déduire du salaire d’un chauffeur routier les loyers impayés d’un logement accessoire du contrat de travail.

La violation de cette interdiction est sanctionnée par une contravention de quatrième classe d’un montant de 750 € au plus pour les personnes physiques et de 3.750 € pour les personnes morales.

Comment procéder à une retenue sur salaire ?

Lorsque l’employeur est fondé à procéder à des retenues sur salaire, il doit le faire en respectant plusieurs règles légales.

La compensation doit en premier lieu être invoquée pour produire son effet : nous conseillons donc à ce titre d’indiquer expressément la compensation et son motif sur le bulletin de paie.

Concernant le montant de la retenue, la compensation s’opère en principe « à due concurrence », c’est à dire jusqu’à l’extinction totale de chaque dette.

En raison de son caractère alimentaire, le salaire est toutefois protégé et ne peut faire l’objet d’une saisie, d’une cession ou d’une retenue que dans certaines proportions précisées par le Code du travail.

En revanche, l’employeur peut procéder à la compensation d’une dette sur la totalité des sommes n’ayant pas la nature de salaire, par exemple l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.

Compensation d’avances en espèces : retenue dans la limite du dixième du salaire.

La compensation des avances en espèces (soit : virement, chèque etc. par opposition à avance en nature) est spécifiquement réglementée : l’employeur ne peut procéder que par retenues successives ne dépassant pas le dixième du montant des salaires exigibles.

La retenue opérée à ce titre ne se confond pas avec la partie saisissable ou cessible, c’est à dire qu’elle reste possible sur un salaire déjà saisi ou cédé dans les proportions légales (voir infra).

A titre d’exemple, ont été considérées par la jurisprudence comme des avances sur salaire ne pouvant donner lieu à compensation que dans la limite de 10% du salaire mensuel :

  • La rémunération trop perçue par un salarié dans le cadre d’une annualisation du temps de travail, constatée lors de la régularisation du lissage de la rémunération.
  • Le prêt consenti au salarié par l’employeur.

Les acomptes, qui désignent un paiement anticipé du salaire déjà acquis en cours d’exécution du travail, ne sont pas considérés comme des avances.

Compensation d’autres dettes : retenue limitée à la fraction saisissable du salaire.

Lorsqu’elle est autorisée, la compensation avec la dette du salarié ne peut s’appliquer que sur la fraction saisissable du salaire.

 Cette fraction est définie en application d’un barème, dans des proportions et selon des seuils de rémunération affectés d’un correctif pour toute personne à charge.

Appliqué sur le salaire mensuel net, ce barème est fixé comme suit pour 2018 :

Tranche de rémunération mensuelle Fraction saisissable ou cessible Montant de la fraction saisissable ou cessible pour un salarié sans personne à charge
Inférieure ou égale à 313,33€ 1/20 15,67€
Supérieure à 313,33€ et inférieure ou égale à 611,67€ 1/10 29,83€
Supérieure à 611,67€ et inférieure ou égale à 911,67€ 1/5 60,00€
Supérieure à 911,67€ et inférieure ou égale à 1 210,83€ 1/4 74,79€
Supérieure à 1 210,83€ et inférieure ou égale à 1 509,17€ 1/3 99,44€
Supérieure à 1 509,17€ et inférieure ou égale à 1 813,33€ 2/3 202,77€
Supérieure à 1 813,33€ Totalité Totalité

A compter du 1er janvier 2019, le salaire net à prendre en compte pour l’application du barème devra être entendu déduction faite du prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

La fraction saisissable du salaire est obtenue par l’addition des montants saisissables sur chaque tranche de salaire. Par exemple, l’employeur ne peut retenir que 279,73 € de la rémunération d’un salarié sans personne à charge gagnant 1.509,17 € par mois.

Dans tous les cas, une somme équivalente au RSA (550,93 € au 1er avril 2018) doit être laissée à la disposition du salarié concerné.

 

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