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L’employeur validant les méthodes managériales d’un salarié ne peut pas invoquer une faute grave

Le harcèlement constitue en principe une faute grave

La faute grave est celle qui, par son importance, rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise (notamment Cass. soc. 27-9-2007 n° 06-43.867).

Elle est généralement admise en matière de harcèlement moral (Cass. soc. 24-10-2012 n° 11-20.085), mais pas systématiquement.

Il convient de noter que sur ce point, la Cour de cassation adopte une position différente en matière de harcèlement moral et de harcèlement sexuel.

Elle juge en effet plus sévèrement l’auteur d’un harcèlement sexuel, dont le comportement est systématiquement qualifié de faute grave (Cass. soc. 24-9-2008 n° 06-46.517), et ce quelle qu’ait pu être l’attitude antérieure de l’employeur (Cass. soc. 18-2-2014 n° 12-17.557).

En effet, pour pouvoir invoquer une faute grave à l’encontre d’un salarié coupable de harcèlement moral, l’employeur doit prouver la gravité des faits et l’impossibilité de maintenir le salarié dans l’entreprise.

Or, selon la Cour de cassation, celle-ci ne découle pas automatiquement de l’obligation de prévention en matière de sécurité et de santé des travailleurs qui lui incombe (Cass. soc. 22-10-2014 n° 13-18.862).

En d’autres termes, le contexte dans lequel a été commise la faute du salarié harceleur peut être pris en compte pour apprécier son degré de gravité.

En cas de litige, cet élément de fait est laissé à l’appréciation souveraine des juges du fond, comme en témoigne la décision de la Cour de cassation du 12 juillet 2022.

Il convient de noter qu’il a été jugé, par exemple, que la faute grave avait pu être écartée dans une espèce où l’auteur était lui-même victime de harcèlement moral (Cass. soc. 29-1-2013 n° 11-23.944) ou subissait une forte pression de la part de son employeur (Cass. soc. 8-11-2011 n° 10-12.120).

Pour autant, l’ancienneté ou les bons résultats d’un salarié, qui sont souvent de nature à atténuer la gravité d’une faute, ne sont généralement pas retenus comme étant de nature à excuser un harcèlement (voir notamment Cass. soc. 28-6-2006 n° 05-40.990).

Sauf pour les méthodes managériales connues de l’employeur

Dans cette affaire, un salarié, employé en qualité de directeur des systèmes d’information est licencié pour faute grave.

L’employeur lui reproche notamment un comportement irrespectueux, des faits de harcèlement moral à l’égard d’une subordonnée, et l’instauration d’un climat de tension et de peur « avec une volonté affichée d’éliminer l’ancienne équipe au profit de collaborateurs embauchés par lui-même ».

Le salarié conteste cette décision, considérant que son employeur, informé de ses méthodes managériales, ne les aurait pas réprouvées.

Au contraire, il aurait été appuyé dans ses décisions par sa hiérarchie.

En appel, les juges du fond lui donnent raison et considèrent que les faits ne constituaient ni une faute grave, ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Il convient de noter qu’en l’espèce, le débat ne portait pas sur la question de savoir si les méthodes managériales en cause étaient ou non constitutives d’un harcèlement moral.

Il s’agissait de savoir si l’attitude du salarié justifiait son licenciement immédiat et sans indemnités de l’entreprise.

On peut penser que si la salariée victime devait attaquer son employeur en justice pour voir reconnaître l’existence de faits de harcèlement, le juge prud’homal, s’il lui donnait raison, pourrait retenir la responsabilité de l’employeur pour ne pas avoir mis en œuvre son obligation de prévention en matière de sécurité et de santé des salariés.

L’analyse des juges du fond est approuvée par la Cour de cassation.

En effet :

  • les méthodes managériales du salarié en cause étaient connues de l’employeur et n’avaient pas été réprouvées par sa hiérarchie,
  • il avait régulièrement partagé ses constats avec sa hiérarchie et conduit un processus de réorganisation en lien avec elle,
  • l’employeur avait défendu les décisions qu’il avait prises.

En conséquence, le comportement du salarié était bien le résultat d’une position managériale partagée et encouragée par l’ensemble des supérieurs hiérarchiques.

Les juges du fond pouvaient donc écarter la faute grave, et considérer que les faits n’étaient pas de nature à justifier la rupture du contrat de travail.

Il convient de noter que pour la Cour de cassation, l’employeur ne peut pas, après avoir approuvé et encouragé les pratiques managériales du salarié, lui reprocher ensuite une faute grave.

La solution se place dans le droit fil de la jurisprudence « classique » de la Cour de cassation selon laquelle le juge, pour apprécier le caractère réel et sérieux d’un licenciement, peut prendre en considération le comportement antérieur de l’employeur (Cass. soc. 16-11-2005 n° 03-43.316).

L’accord ou la tolérance de l’employeur sur les pratiques reprochées à un salarié sont de nature à avoir une incidence sur la réalité ou la gravité de la faute commise (Cass. soc. 19-10-1994 n° 92-44.010).

En outre, l’employeur ne peut pas se prévaloir comme d’une faute grave de faits connus de lui et qu’il a tolérés pendant plusieurs mois, voire plusieurs années (Cass. soc. 15-1-2014 n° 12-26.951 ; Cass. soc. 21-6-2018 n° 16-25.500).

Cass. Soc. 12 juillet 2022, n° 20-22.857

https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000046056510?init=true&page=1&query=20-22.857&searchField=ALL&tab_selection=all

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